Brexit – Etes vous prêts ?

Brexit – Etes-vous prêts ?

Histoire vraie : il y a quelques semaines, un Lord anglais, membre de la Chambre haute du Parlement du Royaume-Uni (RU), prétendait avec une certaine satisfaction, lors d’une discussion avec l’un de mes amis français (qui se reconnaîtra), qu’après le Brexit, le Royaume-Uni ne serait plus concerné par les arrêts de la Cour européenne des droits de l’Homme (CEDH).

Quelle erreur ! Il confondait deux systèmes juridictionnels européens, celui de l’Union européenne (la Cour de justice de l’Union européenne – CJUE) et celui du Conseil de l’Europe (la CEDH)
Voir la CEDH en bref.

Or, le Royaume-Uni a exprimé son intention de sortir de l’Union européenne, mais lorsqu’il en sortira (quand ?), il ne sortira pas pour autant du Conseil de l’Europe, organisation créée en 1949 par le Traité de Londres, et dont il est d’ailleurs l’un des membres fondateurs.
Le Royaume-Uni restera donc soumis aux arrêts de la CEDH.

Ce Lord anglais n’est sans doute pas le seul en Europe à confondre toutes ces institutions européennes…. Cependant, émanant d’un tel responsable politique, cette erreur donne la mesure non seulement des fausses informations qui, au RU et à tous les niveaux, circulent à propos du Brexit, mais aussi de l’état d’impréparation de nombreux britanniques. Cela contribue largement à la crise politique aussi spectaculaire que tumultueuse que le pays traverse actuellement pour trouver un dénouement à la question de savoir si, quand et comment, il sortira de l’Union européenne (UE). 

Pendant ce temps,  à Bruxelles avec un certain flegme tout britannique, les responsables de l’UE, Michel Barnier en tête, maintiennent leur cap d’une sortie conformément à l’accord conclu en novembre 2018 avec Theresa May, accord que le Parlement britannique a déjà, on le sait, plusieurs fois rejeté (voir BNE du 31 mars 2019) ; mais avec une grande lucidité, ils travaillent depuis décembre 2017 à l’éventualité d’une sortie du RU sans accord (no deal). En particulier, de très nombreuses mesures ont été prises pour aider les entreprises et les citoyens des 27 autre Etats membres de l’UE  à se préparer à une telle éventualité ; la Commission européenne vient de le rappeler dans un Communiqué du 4 septembre 2019 , dont la lecture constitue un vade-mecum précieux pour les entreprises entretenant des relations commerciales avec le RU, mais aussi pour les citoyens concernés d’une façon ou d’une autre par le Brexit.

On y apprend beaucoup sur le soin mis par les autorités européennes à cette préparation en cas de retrait sans accord. Il y est rappelé que dans une telle hypothèse, le RU deviendra un pays tiers ne bénéficiant d’aucun régime transitoire (alors qu’évidemment l’accord de retrait prévoit une période transitoire) : dès ce moment, tout le droit de l’Union européenne cessera totalement de s’appliquer au RU.  

Il est souligné que cela entraînera des perturbations majeures pour les citoyens et les entreprises, même si elles seront certes plus importantes au RU que dans les 27 autres Etats. D’où la nécessité de s’y préparer en suivant notamment la checklist préparation au Brexit dressée par la Commission.

Il est également rappelé que l’UE peut mettre à la disposition des personnes et Etats les plus touchés par un retrait sans accord, une assistance technique et financière dans certains domaines.
On trouvera dans le communiqué, d’autres informations et de nombreux liens utiles.

Bref, une lecture recommandée si vous n’avez pas encore finalisé vos préparatifs en cas de no deal.

Par ce communiqué du 4 septembre, la Commission demande une dernière fois (et pour la 6ème fois depuis 2018) à toutes les entreprises et tous les citoyens de l’UE de se  préparer au retrait du RU au 31 octobre 2019 quel que soit le scénario, et en particulier s’il y a un no deal. Il s’agit effectivement d’une issue fortement probable même si, comme le précise la Commission, « non souhaitable ». Cette précision n’est pas anodine et rappelle que le dénouement ne dépend plus que du Parlement britannique.

Et pour en savoir plus, vous pouvez vous adresser à Europe direct
ou appeler gratuitement le 00 800 6 7 8 9 10 11 (en semaine de 9h à 18h) depuis n’importe quel pays de l’UE, dans n’importe quelle langue officielle de l’UE.

Enfin ! dirait Henry Kissinger, un numéro pour appeler l’Europe…

                                                                                                                                         Blanche Sousi et son équipe

 

 

 

Le carré d’as du Conseil européen…largement dans la main du Parlement européen

Le carré d’as du Conseil européen…largement dans la main du Parlement européen

Mardi 2 juillet 19h15, un communiqué très officiel annonce dans un raccourci en grande partie trompeur : « Le Conseil européen nomme les nouveaux dirigeants de l’UE ».

Même s’il est vrai que l’intégralité du communiqué nuance fort heureusement le propos, c’est cette « information » qui a été relayée aussitôt et qui est reprise en boucle depuis : sur les chaînes de TV, les radios, les réseaux sociaux et même dans la presse écrite la plus sérieuse, on annonce et on commente ces « nominations » : Charles Michel à la présidence du Conseil européen, Ursula von der Leyen à la présidence de la Commission européenne, Josep Borrell Fontelles au poste de haut représentant de l’Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, et Christine Lagarde à la présidence de la Banque centrale européenne (BCE).

Or, si le Conseil européen (les 28 chefs d’Etat et de gouvernement, Theresa May comprise) a dévoilé son carré d’as pour ces quatre postes, la procédure de nomination est loin d’être achevée pour trois d’entre eux pour lesquels la parole est maintenant à d’autres institutions européennes, en particulier le Parlement européen : sans lui, le Conseil européen ne pourra pas procéder effectivement à ces trois nominations.
Cela mérite, peut-être, quelques rappels de procédure.

La présidence du Conseil européen : c’est, à ce jour, la seule nomination effective, car elle relève uniquement de la compétence du Conseil européen en vertu de l’article 15 paragraphe 5 du Traité sur l’Union européenne (TUE). Charles Michel a donc été élu le 2 juillet par le Conseil européen pour succéder à Donald Tusk dont le mandat s’achève le 30 novembre 2019 ; il prendra ses fonctions le lendemain, 1er décembre 2019 (pour une durée de 2 ans 1/2 renouvelable une fois).

La présidence de la Commission européenne : la procédure de nomination est prévue à l’article 17 paragraphe 7 du TUE. Conformément à ce texte, « En tenant compte des élections au Parlement européen et après avoir procédé aux consultations appropriées », le Conseil européen propose au Parlement européen un candidat pour ce poste.

A ce sujet, on rappelle que l’interprétation du texte avait fait naître il y 5 ans, l’idée selon laquelle la tête de liste du parti majoritaire au Parlement devait être ce candidat proposé par le Conseil ; et selon ce principe (spitzenkandidat), Jean-Claude Juncker était devenu président de la Commission européenne. Cette interprétation n’est pas partagée par tous les chefs d’Etat et de gouvernement (on peut le comprendre !), mais avant les élections de mai 2019, elle avait encore ses défenseurs (notamment la Commission européenne).

En fait, au vu des résultats de ces élections, la question ne se pose plus tout à fait de la même manière : la donne a changé puisqu’il n’y a plus au Parlement un groupe politique assez nombreux pour imposer un candidat.

C’est dans ces conditions que le Conseil européen a pu choisir de proposer Ursula von der Leyen comme candidate au poste de présidente de la Commission européenne ; mais ce n’est qu’une proposition faite au Parlement qui détient seul le pouvoir de l’élire.

Un vote sur cette candidature aura donc lieu. Ursula von der Leyen sera élue si elle obtient la majorité des membres composant le Parlement. Gageons que des consultations « appropriées » auront été menées par le Conseil européen avant de proposer sa candidature et que la majorité sera réunie sur son nom. Si tel n’est pas le cas, le Conseil européen devra proposer, dans un délai d’un mois, un nouveau candidat à l’élection qui se déroulera selon la même procédure.

Le rôle du Parlement européen ne s’arrête pas à l’élection de celle ou de celui qui présidera la Commission européenne. Comme on le verra plus loin, il intervient également pour élire l’ensemble de Commission (présidence comprise).

Le haut représentant de l’Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité : sa nomination est prévue à l’article 18 du Traité sur l’Union européenne (TUE). Le Conseil européen vient donc de proposer Josep Borrell Fontelles à ce poste pour succéder à Federica Mogherini le 1er novembre 2019 pour un mandat de 5 ans. Comme elle, il sera également vice-président de la Commission européenne.

Encore faudra-t-il l’accord de la présidente de la Commission lorsqu’elle sera élue par le Parlement, pour que le Conseil européen nomme formellement ce haut représentant.
On constate qu’à ce stade, le Parlement européen n’a pas à voter sur ce nom, mais comme on l’a déjà évoqué, il interviendra pour élire l’ensemble de la Commission, y compris ce haut commissaire. On y reviendra.

La présidence de la BCE : la procédure de nomination au poste de président(e) est fixée à l’article 283 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE). Le Conseil européen a donc proposé la candidature de Christine Lagarde pour succéder à Mario Draghi dont le mandat de 8 ans vient à échéance le 31 octobre 2019.

Avant de pouvoir la nommer formellement, le Conseil européen doit avoir recueilli l’avis du Conseil des ministres des finances (Conseil ECOFIN), avoir consulté le Conseil des gouverneurs de la BCE (c’est-à-dire son directoire et les gouverneurs des banques centrales nationales des 19 Etats de la zone euro), mais aussi le Parlement européen dont l’accord est également nécessaire.

Tout cela permet de rappeler l’importance du Parlement. Nous l’élisons au suffrage universel, il nous représente, et il est bon de savoir et de faire savoir combien son rôle est déterminant dans ces trois nominations proposées par le Conseil européen.

D’autant que ce rôle ne se limite pas à un simple vote : au préalable, l’audition de chaque candidat est organisée suivie d’un débat. En pratique, un tel débat est généralement très nourri, les députés ne se privant pas de questionner les candidats. Il constitue parfois une véritable et redoutable épreuve de grand oral. Le vote intervient ensuite.
Cette procédure est prévue :
– pour l’élection à la présidence de la Commission européenne évoquée plus haut,

– mais aussi pour l’élection de l’ensemble de la Commission en tant que collège c'est-à-dire  (article 17 paragraphe 7 alinéa 3 TUE) : président(e) élu (e), haut représentant de l’UE pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, candidats proposés aux différents postes de commissaires.
Après les auditions et les débats, le Parlement passe au vote. La Commission est élue si elle recueille la majorité des suffrages exprimés sur appel nominal. Il arrive qu’un candidat à un poste de commissaire retire sa candidature avant son audition ou après, pour éviter un rejet sur son nom. C’est dire que la procédure n’est pas une simple formalité.

Ce n’est qu’après le vote du Parlement élisant ainsi toute la Commission, que le Conseil européen pourra procéder formellement à sa nomination et pour 5 ans. L’entrée en fonction doit avoir lieu le 1er novembre 2019, le mandat de la Commission sortante prenant fin la veille.

– Enfin, la procédure d’audition suivie d’un débat et d’un vote du Parlement européen est également prévue dans la procédure de nomination à la présidence de la BCE. Compte tenu de la personnalité de Christine Lagarde, de son cursus et de ses qualités, on peut logiquement penser que le Parlement rendra un avis positif sur sa candidature et que le Conseil européen pourra effectivement la nommer pour être présidente de la BCE : elle prendra ses fonctions le 1er novembre 2019 pour un mandat de 8 ans (non renouvelable).

Ainsi donc, et contrairement à ce que l’on entend, c’est lorsque chacune de ces procédures sera achevée, que l’on pourra dire que le « Conseil européen a nommé les nouveaux dirigeants de l’UE ».

Blanche Sousi et son équipe

Variations sur le thème du Parlement européen

Variations sur le thème du Parlement européen

Comme tous les cinq ans, lorsque vient le temps de son renouvellement, le Parlement européen inspire (pour une courte période, il est vrai), commentaires, opinions, débats, dans la presse écrite et audiovisuelle, sur les réseaux sociaux, ou au coin de la rue : ce sont autant de questions, d’incertitudes, de convictions… Tout cela exprime, quoi qu’on en dise, l’intérêt des citoyens pour l’Europe mais aussi souvent (encore et encore) leur méconnaissance ou leur mauvaise compréhension de son fonctionnement.
Dans le souci de pédagogie qui nous anime, nous proposons ici quelques éléments et pistes de clarification sur deux points revenant souvent dans les questions qui nous sont posées  :  les élections européennes à l’aune du Brexit d’une part et le pouvoir du Parlement européen d’autre part.

Les élections européennes à l’aune du Brexit
La participation des britanniques aux élections du Parlement européen surprend beaucoup de citoyens (y compris au Royaume-Uni).
Il est vrai que ces élections se déroulent, comme chacun le sait, dans le contexte très particulier du Brexit : comment conjuguer ces deux évènements qui se produisent en même temps mais qui sont contradictoires ? Question juridique dont la réponse suppose un raisonnement en deux étapes.

1 – Les élections ayant lieu, selon les différents Etats membres entre le 23 et le 26 mai, le Royaume-Uni doit y participer s’il est toujours membre de l’UE : c’est bien le cas à l’heure où nous écrivons, puisque son retrait effectif est encore en attente de la décision du Parlement britannique… Telle est l’implacable logique juridique qu’il faut accepter pour éviter un risque d’invalidation des élections. C’est clair et chacun peut le comprendre facilement… mais ensuite ?

2 –Ensuite, il faudra gérer la situation née de cette élection de députés britanniques au Parlement européen alors que la procédure de sortie du Royaume-Uni  de l’Union européenne est en cours. L’hypothèse avait été prévue et réglée dès le 28 juin 2018, par une Décision du Conseil européen (chefs d’Etat et de gouvernement y compris Theresa May pour le Royaume-Uni) sur initiative du Parlement européen. Voici comment.

Les 73 députés britanniques qui seront élus, siègeront au Parlement européen jusqu’à la date du retrait du Royaume-Uni de l’Union européenne. A noter que si ce retrait a lieu avant la première séance plénière du Parlement européen ainsi renouvelé (prévue le 2 juillet 2019), ils auront certes été élus mais sans jamais pouvoir siéger.  C’est un scénario juridiquement cohérent et que certains estiment probable. Wait and see.

Quoi qu’il en soit, qu’adviendra-t-il de ces 73 sièges lorsqu’ils seront vacants ? La réponse se trouve dans la décision du Conseil européen, précitée, du 28 juin 2018 :

– 46 sièges seront en quelque sorte gelés, ce qui réduira d’autant la composition du Parlement européen : celui-ci passera de 751 à 705 députés (bonne nouvelle pour ceux qui plaident pour une réduction du budget de fonctionnement du Parlement) ;

– les 27 sièges restants seront attribués à certains Etats membres pour tenir compte de l’évolution de leur démographie depuis les dernières élections, il y a 5 ans. Les Etats concernés auront donc davantage de sièges que dans le Parlement sortant dont la composition avait été fixée toujours par le Conseil européen, par Décision de juin 2013 et toujours sur initiative du Parlement européen (conformément à l’article 14  §2 du Traité sur l’Union européenne).

A titre d’exemple, la France qui disposait de 74 sièges dans le Parlement sortant doit en avoir 79 dans le prochain. En revanche, la Belgique et le Luxembourg ne bénéficient d’aucun siège supplémentaire. Une simple lecture comparée de la répartition des sièges fixée dans la décision de 2013 et dans celle de 2018 permet de savoir à quels Etats profitera (à cet égard seulement !) le Brexit.

En bref : tant que le retrait du Royaume-Uni de l’Union européenne ne sera pas juridiquement effectif, le nombre de sièges par Etat membre reste celui prévu par la décision du Conseil de 2013 ; après ce retrait, ce nombre sera celui prévu par la décision du Conseil de 2018. Le mécanisme jouera automatiquement et pour tous les Etats concernés.
Solution simple à situation exceptionnelle.

Quel est le pouvoir du Parlement européen ?
La question est essentielle à la veille des élections européennes et pour être plus exacte, elle devrait être quels sont les pouvoirs du Parlement européen ? En effet, ses pouvoirs (principalement prévus aux articles 223 à 234 et 317 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne) sont nombreux et puissants : il faut qu’il en soit ainsi car le Parlement européen, élu au suffrage universel direct, représente les citoyens européens. On retiendra surtout son pouvoir législatif mais aussi son pouvoir de contrôle sur les autres institutions européennes et en particulier sur la Commission européenne. Quelques brèves précisions.

Sur son pouvoir législatif ­
Il le partage avec le Conseil en ce sens que ces deux institutions sont véritablement les co-législateurs européens. En effet, quasiment tous les textes européens (directives, règlements) sont adoptés en co-décision, c’est-à-dire avec l’accord de l’un et de l’autre (après examen du texte, amendements éventuels, conciliation si nécessaire).C’est la procédure législative ordinaire.

Sur son pouvoir de contrôle politique
Il nous paraît nécessaire de souligner ici son rôle dans la composition même de la Commission européenne : en effet, c’est le Parlement que nous allons élire cette semaine qui va formellement élire, avant l’automne, le prochain président de la Commission européenne (article 17 § 7 du Traité sur l’Union européenne). Or, il devra statuer à la majorité de ses membres : on comprend, dès lors, l’importance de savoir dimanche 26 mai au soir, si au vu des résultats des élections européennes dans tous les Etats membres, un parti européen pourra à lui seul dans le prochain Parlement réunir cette majorité. Ce point n’étant pas du tout certain, la question des alliances se posera.

Lorsque le président de la Commission aura été élu, le Parlement auditionnera, le moment venu, les candidats aux postes de commissaires et pourra rejeter leur candidature (il est arrivé que des candidats devancent ce rejet en renonçant à leur candidature).

Le Parlement détient également un pouvoir dans de nombreuses autres nominations (Président et directoire de la Banque centrale européenne, Médiateur européen, membres de la Cour des comptes…).
On ne peut citer ici tous ses pouvoirs aussi nombreux qu’importants (ratification des accords internationaux, modification des traités européens, etc.) sans oublier son pouvoir d’influence de plus en plus fort à tous égards, et en particulier pour la défense des droits des citoyens.

Pour aller plus loin, on consultera le document de Notre Europe – Institut Jacques Delors daté du 3 mai 2019, fruit des réflexions d’un groupe de travail présidé par Pascal Lamy et composé notamment de plusieurs députés européens ayant une longue expérience en ce domaine (dont Pervenche Berès, Jean-Louis Bourlanges, Alain Lamassoure) : Le Parlement européen – Un Parlement différent. Vous y trouverez dans un langage clair et pédagogique une quantité d’informations sur son rôle, son travail, ses actions. A sa lecture, on mesure combien ce Parlement est puissant et combien il a su, peu à peu, accroître son influence.

Et puisque de nombreux lecteurs sont, comme nous, attentifs à la législation concernant les services financiers, qu’il nous soit permis de conclure ces brèves variations sur le thème du Parlement européen en signalant, à toutes fins utiles, l’état d’avancement des récents travaux législatifs en matière de services financiers. Ce tableau (en anglais) a été remis pour information le 17 mai dernier au Conseil ECOFIN (Ministres de l’économie et des finances).

Autant de textes (trop, diront certains !) qui sont quasiment en cours de finalisation, et résultent bien sûr du pouvoir de co-décision du Parlement européen sortant et du Conseil.

 

Blanche Sousi
et son équipe

 

Prochaines présidences du Conseil de l’UE jusqu’au 31 décembre 2030

Tableau des présidences du Conseil de l’Union européenne 

(Extrait de la décision du Conseil du 26 juillet 2016 JOUE du 2 août 2016, L 208 p.42)

Roumanie : janvier-juillet 2019

Finlande : juillet-décembre 2019

Croatie : janvier-juin 2020

Allemagne : juillet-décembre 2020

Portugal : janvier-juin 2021

Slovénie : juillet-décembre 2021

France : janvier-juin 2022

République tchèque : juillet-décembre 2022

Suède : janvier-juin 2023

Espagne : juillet-décembre 2023

Belgique : janvier-juin 2024

Hongrie : juillet-décembre 2024

Pologne : janvier-juin 2025

Danemark : juillet-décembre 2025

Chypre : janvier-juin 2026

Irlande : juillet-décembre 2026

Lituanie : janvier-juin 2027

Grèce : juillet-décembre 2027

Italie : janvier-juin 2028

Lettonie : juillet-décembre 2028

Luxembourg  : janvier-juin 2029

Pays-Bas : juillet-décembre 2029

Slovaquie :  janvier-juin 2030

Malte : juillet-décembre 2030

Brexit : cacophonie à Londres, unisson à Bruxelles

Brexit : cacophonie à Londres, unisson à Bruxelles

Vendredi 29 mars 2019 : à Londres, la Chambre des Communes rejette pour la 3ème fois l’accord de retrait du 25 novembre 2018 négocié par les équipes de Theresa May pour le Royaume Uni (RU) et celles de Michel Barnier pour l’Union européenne (UE). (Sur cet accord voir Banque-Notes Express du 26 novembre). Dès le vote connu, la presse britannique titre : « fiasco », « trahison », « chaos ».

Depuis des mois aucune majorité n’a pu être trouvée, et cela, quelle que soit la question posée aux députés : Brexit sans accord ? Avec un accord ? L’accord du 25 novembre ? Un autre ?… C’est toujours « NO » ! Dans une incertitude totale, le peuple britannique fait des réserves de provisions, proteste contre sa classe politique, et même dit sa honte du spectacle ainsi donné au monde entier ; quant à la Reine, elle sort discrètement de son silence constitutionnel pour dire son souhait que la meilleure solution pour le pays soit trouvée … Of course.

Pendant ce temps à Bruxelles, les responsables politiques européens présentent toujours le même front uni face aux diverses tergiversations et demandes du Royaume Uni : depuis le début des négociations, ils font preuve d’une fermeté conciliante dans le strict respect du Traité sur l’Union européenne (TUE).

Ainsi, récemment encore, par une décision du 22 mars 2019, les 27 chefs d’Etat et de gouvernement ont-ils accepté de proroger la date prévue pour la sortie du Royaume-Uni de l’Union européenne, soit le 29 mars (conformément à l’article 50 TUE), mais en distinguant les deux hypothèses :

– si l’accord de retrait est approuvé par la Chambre des Communes le 29 mars 2019 au plus tard, le Royaume-Uni peut rester dans l’UE jusqu’au 22 mai 2019, à condition de procéder aux élections au Parlement européen entre le 23 et le 26 mai comme tous les autres Etats membres.
On sait aujourd’hui que cette hypothèse n’a plus lieu d’être puisqu’à la date du 29 mars, l’accord de retrait n’a pas été approuvé ;

– si l’accord de retrait n’est pas approuvé par la Chambre des Communes le 29 mars au plus tard, ce qui est bien le cas aujourd’hui, le Royaume-Uni peut rester dans l’UE jusqu’au 12 avril 2019. Toutefois, il doit indiquer avant cette date « une voie à suivre, en vue de son examen par le Conseil européen »C’est nous qui soulignons tant cette rédaction imprécise nous paraît témoigner du souci des 27 de laisser encore au RU un délai pour régler ses divergences internes et éviter une sortie sans accord, même si ce scénario est désormais un scénario probable.

Nous en sommes donc là, comme l’a rappelé, au soir même du 29 mars, la Commission européenne dans un communiqué du 29 mars 2019 (aussi court que clair). Tout en regrettant, elle aussi, qu’un Brexit sans accord soit un scénario probable, elle ne manque pas d’indiquer que depuis décembre 2017, l’Union européenne s’y prépare de même que les 27 Etats membres. Pour les préparatifs de l’UE, voir. Pour ceux de la France, par exemple voir.

Restent 12 jours pour savoir ce qui adviendra : juridiquement tout est possible, y compris de voir le Royaume-Uni décider de rester dans l’UE. En effet, selon un arrêt rendu par la Cour de justice de l’Union européenne le 10 décembre 2018, l’Etat qui a notifié son intention de quitter l’UE reste souverain pour révoquer unilatéralement cette notification tant que le retrait n’a pas pris effet. «Elémentaire mon cher Watson », c'est le principe du parallélisme des formes.

                                                                                                                                                                   Blanche Sousi et son équipe

Alstom-Siemens : la Commission européenne interdit leur mariage

Alstom-Siemens : la Commission européenne interdit leur mariage.

« Mais de quoi la Commission européenne se mêle-t-elle ? ». J’ai entendu cela lors d’une récente réunion amicale où nous discutions de l’actualité européenne et en particulier de l’interdiction du mariage Alstom-Siemens. « La Commission se mêle de ce qui la regarde et cela depuis 30 ans !» ai-je répondu en m’efforçant de rester calme, mais tout en faisant remarquer, une fois de plus, combien les règles européennes sont mal comprises, sinon mal connues, ou mal acceptées.

Oui, le 6 février dernier, la Commission européenne a décidé, en vertu du Règlement Concentrations du 20 janv.2004 relatif au contrôle des concentrations entre entreprises, d’interdire le rachat de l’entreprise française Alstom par l’entreprise allemande Siemens (voir le Communiqué de presse de la Commission) estimant que « cela aurait porté atteinte à la concurrence sur les marchés des systèmes de signalisation ferroviaire et des trains à très grande vitesse ».  

La Commission (et plus précisément la Direction générale Concurrence) tient ce pouvoir de contrôle depuis un premier Règlement européen de 1989, refondu en 2004, et elle l’exerce sous le contrôle de la Cour de justice de l’Union européenne : les décisions de la Commission peuvent ainsi faire l’objet d’un recours en annulation.
Dans le cas présent, il ne semble pas que cela soit envisagé. Les deux entreprises concernées, qui avaient défendu leur projet pendant des mois en pensant pouvoir obtenir un feu vert ont, dès l’annonce de l’interdiction, exprimé leur regret et pris acte que l’opération ne pourrait se faire. 

Si la décision de la Commission a rassuré leurs concurrents et certains syndicats ou organisations qui redoutaient des licenciements et des hausses de prix pour les consommateurs, elle a en revanche suscité beaucoup de critiques.

En effet, à Paris comme à Berlin, tous ceux qui avaient souhaité, porté ou soutenu cette alliance ont exprimé leur mécontentement, ils l’ont écrit et dit haut et fort : « c’est une erreur économique et politique ! », « il nous faut des champions européens industriels face à certaines entreprises mondiales ! », « la réglementation européenne doit être changée !», « les règles en matière de concurrence sont devenues absurdes »…

Il est surtout reproché à Margrethe Vestager (commissaire en charge de la politique de concurrence) et à ses services de ne pas avoir suffisamment tenu compte, dans leur appréciation, de l’émergence de concurrents mondiaux puissants (en l’occurrence surtout chinois) en face desquels l’entreprise qui serait née du projet Alstom-Siemens aurait pu opérer dans des conditions d’égale concurrence sur un même marché (level playing field), non seulement de produits, mais aussi géographique. Or le terrain de jeu est devenu mondial : la réglementation européenne de la concurrence qui avait été pensée pour assurer une égale concurrence à l’intérieur du marché européen (ou une partie de celui-ci) doit certainement désormais être repensée à l’aune de la mondialisation des échanges.
Nul doute que la Commission européenne le sait, comme elle sait qu’il est temps de protéger les intérêts de l’Union européenne : elle a d’ailleurs proposé en septembre 2017 un Règlement pour contrôler les investissements direct étrangers dans des secteurs stratégiques (dont le secteur ferroviaire). Ce texte est en cours d’adoption par le Parlement européen et le Conseil.

Quoi qu’on en pense, à l’approche des élections européennes du mois de mai, l’affaire Alstom-Siemens vient au bon moment car elle permet d’ouvrir publiquement une réflexion sur les réformes à mener pour que l’Europe reste présente dans la compétition mondiale.

D’autres réflexions et propositions pour l’Europe vont émerger : elles viendront des responsables politiques, des organisations et syndicats professionnels, et de différents autres cercles.

Elles viendront aussi des jeunes générations : c’est dans cet esprit que nous venons de lancer un nouveau site, celui né de la consultation citoyenne que nous avons menée auprès de nos étudiants il y a quelques mois (voir Banque-Notes Express du 11 octobre 2018).
Vous y trouverez déjà certaines de leurs contributions pour mieux apprendre l’Europe, améliorer son image, la rendre plus transparente, etc.

C’est l’Europe vue de l’amphi ! Y a-t-il meilleur point de vue ?
https://leuropevuedelamphi.eu

                                                                                       Blanche Sousi et son équipe

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

On n’a pas tous les jours 20 ans

On n’a pas tous les jours 20 ans

L’€ a vu le jour il y a vingt ans. C’était le 1er janvier 1999. Le Conseil européen le rappelle dans un Communiqué de presse du 31 décembre 2018  (en anglais) comprenant de nombreux liens utiles à quiconque voudrait en savoir plus ou se remémorer l’aventure.

La presse du monde entier consacre à cet anniversaire de nombreux articles et commentaires. Des dossiers retracent les principales dates de la gestation de la monnaie unique et de ses premières années. Ceux qui ont présidé à sa naissance livrent leurs souvenirs, ainsi que ceux qui ont géré ses premières crises d’adolescence : ce sont là de précieux témoignages qu’il faut faire entrer dans les livres d’histoire.

Car il s’agit maintenant « d’un temps que les moins de vingt ans ne peuvent pas connaître » : et il est vrai que l’euro ne suscite auprès des jeunes générations ni étonnement, ni nostalgie, mais une calme indifférence (sauf si leurs parents ou grands-parents leur parlent de l’avant !). 

Certains d’entre vous se souviennent sans doute des colloques, séminaires et autres évènements organisés à cette époque. La préparation du passage à l’euro fut pendant plusieurs années un chantier d’une grande ampleur (autrement plus complexe que le passage au prélèvement de nos impôts à la source !). Ce chantier concernait les particuliers, les entreprises, les administrations, les banques (bien sûr), en bref toutes les activités, et il soulevait des problèmes non seulement politiques, juridiques, économiques, financiers ou informatiques, mais aussi sociologiques. La relation des citoyens à leur monnaie est particulière.

Depuis, « l’euro est entré dans les mœurs et les cœurs » comme un journaliste l’a joliment titré à la suite d’une enquête d’opinion effectuée en octobre 2018 par la Commission européenne (voir – en anglais – le résumé de cette enquête Eurobaromètre).

Faut-il rappeler que l’euro a été créé pour renforcer le développement du marché intérieur au profit des entreprises et des consommateurs ? On constate ses nombreux avantages : il a évidemment supprimé les risques de change au sein de la zone euro, il permet de voyager avec la même monnaie à travers l’Europe (et même au-delà de la zone euro), c’est un ciment citoyen et un élément constitutif de l’identité européenne, sans parler de sa place dans le monde, etc.  Tout européen, un tant soit peu responsable, même le plus farouche opposant au fonctionnement actuel de l’Union européenne, n’ose aujourd'hui prôner le retour à sa monnaie nationale.

Certes, tout le monde sait que la construction est inachevée, et ce, depuis la préparation du passage à la monnaie unique. L’euro n’est que l’union monétaire. C’était un premier pas en attendant une véritable union économique et budgétaire. De petits pas ont donc été faits depuis 20 ans, notamment avec l’instauration du semestre européen. La marche reste difficile et sinueuse. Qui voudra, et quand, aller au bout du chemin ou du moins l’approfondir suffisamment pour ancrer définitivement les Etats de l’Union dans cette « communauté de destin » ?

                                                                                                                   Blanche Sousi
                                                                                                                   et son équipe

                                   

Brexit (suite et fin?) – Que prévoit, pour les services financiers, l’accord de retrait ?

Brexit (suite et fin ?)
Que prévoit, pour les services financiers, l’accord de retrait ?

Le Conseil européen dans sa formation article 50 (c'est-à-dire les 27 Chefs d’Etat et de gouvernement) a donc approuvé, ce dimanche 25 novembre, l’accord de retrait auquel étaient parvenus le 14 novembre les négociateurs de l’Union européenne (UE) et du Royaume-Uni (RU), c’est-à-dire respectivement Michel Barnier et Theresa May et leurs équipes.

Ce sont 585 pages de dispositions minutieuses, y compris trois protocoles (l’un sur l’Irlande et l’Irlande du Nord, le deuxième concernant les bases militaires du RU à Chypre et le troisième sur le statut de Gibraltar) et neuf annexes. Si vous les parcourez, vous chercherez en vain les dispositions concernant les services financiers… Vous les trouverez dans l’autre texte approuvé par le Conseil européen ce 25 novembre et prévu à l’article 184 de l’accord de retrait : il s’agit de la déclaration politique sur la relation future entre l’UE et le RU.

Alors qu’en est-il ? Dès le vote des britanniques en faveur du Brexit, le 23 juin 2016, la question du passeport financier avait été posée : les établissements agréés par le Royaume-Uni (y compris les nombreuses filiales de banques de pays tiers) pourraient-ils encore bénéficier de cet accès au marché unique ? Nous avions écrit ici même (Banque-Notes express du 27 juin 2016) que ce serait un coup porté aux banques européennes et à l’exigence d’une égale concurrence (level playing field), qui fonde depuis toujours la construction européenne. Pour la Commission européenne, cela ne faisait aucun doute. Et parmi les autres cas de figure possibles, le régime des équivalences déjà appliqué dans certaines conditions aux établissements des pays tiers semblait s’imposer : c’est ce que confirme, sans surprise, la déclaration politique sur la relation future (aux points 37, 38 et 39). On rappelle que selon ce régime, les établissements situés dans des pays tiers dont les règlementations sont jugées équivalentes à celles édictées par l’Union européenne, peuvent accéder au marché intérieur pour les activités relevant desdites règlementations.

Les britanniques redoutaient cette issue car les décisions d’équivalence sont à la main de la Commission européenne. C’est elle qui apprécie si les règlementations des pays tiers candidats à l’équivalence peuvent justifier une telle décision ; les pays tiers le savent bien qui attendent souvent longtemps pour en être bénéficiaires (voir tableau des Décisions d'équivalence au 29 oct.2018). Tous savent aussi que la Commission veille, au fil du temps, au respect continu desdites règlementations, sous peine de révoquer l’équivalence en cause. Or, s’il est probable que l’actuelle règlementation bancaire et financière britannique est équivalente à celle de l’UE, elle devra le rester : cela implique que si les règlementations européennes évoluent, elle devra évoluer dans le même sens et que si ces règlementations ne changent pas, elle ne pourra s’en éloigner.
Toujours est-il que selon la déclaration politique, le travail d’évaluation des équivalences doit commencer dès le Brexit effectif (le 30 mars 2019) et être achevé, dans la mesure du possible, en juin 2020.
Oui, mais tout cela si l’accord de retrait est validé par le Parlement européen (comme l’exige l’article 50 du traité sur l’Union européenne), ce qui ne posera sans doute pas de difficulté, mais aussi par le Parlement britannique (voir Banque-Notes Express du 31 janvier 2017 ), ce qui n’est pas acquis.
Le Parlement britannique doit se prononcer en décembre prochain. S’il rejette l’accord, et si donc le 30 mars on a un Brexit sans accord…quelles en seront les conséquences pour les établissements financiers britanniques ?

Juridiquement, ce serait la perte immédiate (?) de leur passeport, alors que si l’accord de retrait était validé, ils en bénéficieraient encore jusqu’au 31 décembre 2020 (en principe fin de la période transitoire prévue). Cependant, une solution moins abrupte serait peut-être négociée, d’autant que le régime des équivalences trouverait à s’appliquer comme pour tous les autres pays tiers.
La Commission européenne sera donc en toute hypothèse maîtresse du jeu ; mais qui sera, le moment venu, autour de la table ?  Le mandat de la présente Commission s’achève, on le sait, dans moins d’un an…Wait and see.

 

                                              Blanche Sousi et son équipe

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

23 juin 2016 

L’Europe vue de l’amphi

 

L’Europe vue de l’amphi

Vous vous souvenez peut-être que notre Banque-Notes Express du 9 mai dernier s’ouvrait par une question : « Quelle Europe voulons-nous ? », et  s’achevait par une invitation à y répondre ou, mieux, à organiser une consultation citoyenne pour en débattre.
Nous ne pouvions nous dérober à un tel appel et ne pas saisir la balle que nous avions lancée. Et c’est ainsi que depuis, nous réunissons nos étudiants (ou anciens étudiants) autour de cette question : « Quelle est votre vision de l’Europe ? ».

Ils ne se font pas prier pour le dire et l’écrire : cependant, au préalable, ils expriment leur joyeux étonnement d’être consultés dans le cadre des consultations citoyennes organisées à la demande du Conseil européen. De plus, ils insistent sur l’espoir que fait naître une telle opération et la déception qui serait la leur si tout cela s’avérait n’être qu’une pure action de communication des responsables politiques européens à l’aube des prochaines échéances électorales. Dont acte. Ils se sentent donc pleinement impliqués par ces consultations, ce qui est déjà pour nous une source de satisfaction.
 

Ces déclarations préalables étant faites, ils nous parlent de l’Europe telle qu’elle leur apparait et telle qu’ils la voudraient. Voici une sélection provisoire parmi leurs premières réponses.

Pour quasiment tous, l’Europe est abstraite, lointaine, complexe, alors même que, précédemment, durant leur cursus universitaire, beaucoup ont suivi des enseignements sur les institutions européennes (quelques-uns disent même avec férocité qu’ils ont « subi » certains cours). Ils la voudraient plus concrète, plus présente, plus visible dans leur quotidien. Ils voudraient l’avoir apprivoisée dès le collège, pour mieux la comprendre et donc se l’approprier.
Et pour relever tous ces défis, ils avancent déjà quelques propositions. Ce sont le plus souvent des idées de bon sens (ce qui était l’esprit de Jean Monnet). Nous en publierons une synthèse. Promis.

Par ailleurs, tous regrettent l’image dégradée qu’en donne très souvent l’actualité. Ils voudraient une Europe plus protectrice de l’environnement et des droits fondamentaux, plus sociale et solidaire, plus harmonisée fiscalement, plus transparente, plus simple, plus sûre.

Certains, davantage spécialisés en matière de services financiers, plébiscitent l’Europe des paiements mais s’interrogent sur la protection de leurs données bancaires ; ils  saluent les réformes européennes adoptées à la suite de la crise de 2007-2008 mais souhaitent une régulation accrue des « Fintech » et du shadow banking ; ils insistent sur la nécessité d’assurer une loyale concurrence entre tous les acteurs ainsi que la sécurité des investisseurs. Ils disent leur intérêt pour le développement de la conformité devenue une obligation dans les établissements bancaires et financiers.Ils disent aussi que même pour eux, supposés spécialistes, l’Europe des services financiers est très complexe, et prônent une éducation financière accessible à tous les citoyens européens.

Et tant de choses encore … nous relaterons tout cela sans doute par ailleurs.

 

Blanche Sousi
 et son équipe

Quelle Europe voulons-nous ?

Quelle Europe voulons-nous ?

En votant pour le Brexit, nos amis britanniques ne se doutaient certainement pas qu’ils allaient, bien malgré eux, mettre en lumière les nombreux avantages résultant de l’appartenance à l’Union européenne (UE), avantages dont ils n’avaient pas pris conscience avant leur vote, et dont ils redoutent maintenant d’être privés. Les diverses tentatives de leur classe politique pour limiter les conséquences radicales de cette situation confortent, d’une certaine façon, l’idée européenne.

La leçon a été comprise au-delà du Royaume-Uni : le regard des citoyens a changé et même les plus réticents savent que quitter le navire Europe serait se mettre en danger. Cela n’a pas fait disparaître leurs critiques ; en revanche, leur discours a évolué : ils ne prônent plus la sortie de l’UE mais sa transformation. 

Ce changement de discours des eurosceptiques alimente plus généralement le débat sur l’Europe. Il le favorise même, car il contraint les européens convaincus à y prendre part et à ne pas cacher leurs propres critiques que partagent de nombreux citoyens : extrême complexité des textes, excès de réglementation, déficit démocratique, etc. Chacun de vous saura compléter la liste !

En bref, le débat n’est plus « pour ou contre l’Europe », mais « quelle Europe voulons-nous ?».

Telle est la question qui se pose à un an des élections du Parlement européen (qui, selon les Etats, auront lieu entre le 23 et le 26 mai 2019) suivies du renouvellement de la Commission européenne (automne 2019). Comment éviter une forte abstention et recréer le lien entre les populations et l’Europe ? Les responsables politiques savent qu’ils ne peuvent plus bâtir un programme électoral convaincant, sans tenir compte des aspirations des citoyens européens. Cela suppose que ces responsables soient directement informés par les citoyens eux-mêmes de leurs visions de l’Europe (et non par des instituts de sondage ou tout autre intermédiaire).

C’est dans ce contexte que, sur proposition du Président Macron, tous les Etats membres de l’UE (sauf le Royaume-Uni) ont décidé d’organiser des consultations citoyennes sur l’Europe : elles se dérouleront sur plusieurs mois jusqu’en octobre 2018 et elles ont déjà débuté dans certains Etats : Irlande, Slovaquie, Luxembourg et bien sûr en France. On va y revenir.

Les synthèses de ces consultations seront centralisées par la Commission européenne qui, comme le Parlement européen, soutient fortement l’ensemble de l’opération. Elles seront ensuite transmises aux Chefs d’Etat et de gouvernement avant leur réunion de décembre 2018.

En France, l’opération a été préparée depuis plusieurs mois sous l’autorité de Nathalie Loiseau, Ministre des affaires européennes, et le 17 avril Emmanuel Macron lançait, à Epinal, la première consultation citoyenne.

Certes la presse s’en est fait l’écho, mais avons-nous tous compris l’ampleur et l’originalité de ce qui se joue ? Il est permis d’en douter. Pourtant de nombreuses consultations citoyennes sont déjà planifiées dans toute la France avec le label officiel, et quiconque pourra s’exprimer sur l’Europe : questions, critiques, regrets, visions, déceptions, espoirs…

Savez-vous que ces réunions peuvent être organisées sur proposition de citoyens comme vous et moi ? Cela vous étonne ? Moi aussi, pourtant il en est bien ainsi.
Comment ? Tout est clairement (oui !) expliqué dans le Dossier de presse du Ministère et sur le site partenaire Toute l’Europe.

Vous y trouverez toutes les informations utiles :
– pour organiser, si vous le souhaitez, une consultation citoyenne, par exemple dans le cadre d’une association, d’un quartier, d’une école, d’un village, d’une entreprise, etc. ;
– pour participer, selon vos disponibilités, à une consultation citoyenne si possible près de chez vous, pour faire entendre votre avis, vos attentes, vos propositions, mais aussi pour en discuter et y réfléchir avec d’autres participants ;
– ou simplement pour vous informer sur l’ensemble du dispositif et son déroulement.
De quoi satisfaire tous ceux qui veulent s’impliquer d’une façon ou d’une autre, y compris en relayant l’information autour d’eux.

Mais diront les sceptiques et Cassandre de tous bords, tout cela n’est-il pas un pur exercice de communication de la classe politique européenne pour se donner bonne conscience avant les prochaines élections ? La réponse dépend de nous tous. La balle est dans notre camp et si nous ne la saisissons pas, alors oui, l’opération n’aura pas atteint son objectif : ce serait dommageable.
Il nous est demandé aujourd’hui quelle Europe nous voulons : il est de la responsabilité de tous de le dire. Puisse la date de cette lettre, le 9 mai (journée de l’Europe), être de bon augure.

 

Blanche Sousi 
et son équipe

 

 

L’Autorité bancaire européenne aura son siège à Paris. Confirmation que la France sait (désormais) faire un lobbying efficace.

L’Autorité bancaire européenne aura son siège à Paris.
Confirmation que la France sait (désormais) faire un lobbying efficace.

En discutant un jour à l’Université avec une collègue, je l’avais informée – non sans une certaine fierté – que, comme chaque année, j’allais faire venir un lobbyiste de Bruxelles pour qu’il explique à mes étudiants la place de son métier dans le processus décisionnel européen. Après un petit silence, elle m’avait lancé : « c’est écœurant »… Cela me confirmait la nécessité absolue d’une pédagogie en ce domaine.
C’était il y a longtemps : l’époque où dans l’opinion française, le lobbying était un mot sulfureux parce que toujours confondu avec corruption et donc totalement incompris, et où les acteurs économiques français n’ayant pas cette culture (contrairement à certains de leurs homologues européens, sans parler des américains), en maîtrisaient mal les rouages et subissaient quelques déconvenues en s’y essayant.

Les choses ont changé : l’actualité récente montre que les décideurs politiques et économiques français savent désormais mener un lobbying efficace et osent le revendiquer. Le succès de leur mobilisation pour obtenir le transfert à Paris du siège de l’Autorité bancaire européenne (ABE ou selon le sigle anglais EBA pour European Banking Authority) en est une nouvelle et rassurante confirmation.
Première conséquence visible du Brexit, l’ABE installée à Londres depuis sa création en 2011, doit donc déménager dans les prochains mois pour s’établir à Paris. La décision, très attendue, a été prise le 20 novembre dernier par le Conseil de l’Union européenne (réuni dans « sa formation article 50 », c'est-à-dire sans le Royaume-Uni). Vingt-sept Etats (chacun représenté par un ministre) ont ainsi participé à ce vote marquant la fin d’une minutieuse procédure de sélection elle-même fixée le 22 juin 2017 par le Conseil européen (les 27 chefs d’Etat et de gouvernement) : dépôt des dossiers de candidatures, évaluation par la Commission européenne de chacune des offres, modalités de vote.

La France a convaincu par la qualité du dossier de candidature qu’elle présentait, parfaitement préparé, puis expliqué pendant des mois partout dans l’Union européenne par des « ambassadeurs » hautement crédibles : c’est cela le lobbying. Ce savoir-faire a valu à Paris d’être finaliste alors que 7 autres villes étaient concurrentes et non des moindres (Bruxelles, Dublin, Francfort, Luxembourg, Prague, Varsovie, Vienne). On sait que le suspense fut total jusqu’au bout : en effet, à l’issue du 2ème tour, Francfort était éliminée car n’ayant obtenu que 4 voix, alors que Paris en obtenait 10 et Dublin 13. Comment chacun des quatre Etats qui avait voté pour Francfort, allait-il reporter sa voix au 3ème tour ? Les négociations ont sans doute été particulièrement intenses avant de passer au vote…Surprise ! 13 voix pour Dublin (qui a simplement maintenu son score du 2ème tour), mais 13 également pour Paris (qui, elle, a su rallier trois nouvelles voix). On remarque qu’un Etat s’est abstenu. Deux finalistes donc, que seul un tirage au sort (prévu par la procédure) pouvait départager. Ce sera Paris !
L’enjeu était de taille dans la perspective de la recomposition du paysage bancaire et financier européen après la sortie du Royaume-Uni de l’Union européenne. Le transfert du siège de l’ABE change la donne et va, dans son sillage, entraîner  l’implantation de divers opérateurs bancaires et financiers venus de Londres, d’Europe ou d’ailleurs, comme aimantés par le nouvel attrait de la place bancaire et financière de Paris.

Pourquoi ? Tout simplement parce que, institutionnellement, les professionnels du secteur bancaire mais aussi les représentants de leur personnel et de leurs clientèles, sont largement associés aux missions de l’ABE et qu’une proximité géographique facilite une participation active et efficace.
En effet, il convient d’assister à des réunions, à des auditions publiques, aux séances du groupe permanent des parties prenantes du secteur bancaire (voir les membres actuels), sans parler des rencontres informelles toujours utiles : tout cela se tient au siège de l’ABE, c'est-à-dire à Londres, ce qui est un avantage pour ceux qui, aujourd’hui, y sont installés. Demain, ce sera un avantage pour ceux qui sont à Paris… Quant à ceux qui n’y sont pas encore, ce sera une bonne (nécessaire) stratégie de s’y établir tant il est important pour toutes les parties prenantes de pouvoir participer dans les meilleures conditions aux décisions qui seront prises par l’ABE et de faire entendre leur voix. 

Pour le comprendre, il suffit de relever que parmi ses principales missions, l’ABE  contribue :
– à une meilleure harmonisation de la réglementation applicable aux établissements de crédit de l’Union européenne et à une plus grande convergence des pratiques du contrôle bancaire effectué par les différentes autorités nationales : tout cela pour assurer une concurrence égale entre les établissements ;
– à un renforcement de la protection des déposants et investisseurs ;
– et d’une façon générale, à la stabilité et à l’efficacité à court, moyen et long terme du système financier pour l’économie de l’Union, ses citoyens et ses entreprises. (Voir Règlement du 24 nov.2010 instituant l’ABE).

L’ABE rend des avis à la Commission européenne pour l’élaboration des textes concernant les établissements de crédit et les entreprises d’investissement, elle édicte des orientations, des recommandations. Elle prépare et assure la coordination des tests de résistance (voir Banque-Notes Express du 4 novembre 2014) : elle  lance d’ailleurs celui de 2018 en ce 31 janvier.
Bref, ce sont des compétences importantes (parmi d’autres), mais qui bientôt seront élargies comme le prévoit une proposition de règlement du 20 septembre 2017 en cours d’adoption : nouvelles technologies, protection des consommateurs (et non plus seulement des déposants et investisseurs), ou encore nouveaux pouvoirs pour renforcer la convergence des pratiques du contrôle bancaire en Europe.

En revanche, le travail et les initiatives de l’ABE seront davantage encadrés par le Parlement européen, le Conseil et la Commission, mais aussi par le groupe des parties prenantes : une procédure de contestation lui permettra de saisir la Commission s’il estime que l’ABE outrepasse ses pouvoirs en émettant certaines recommandations… Nul doute que les professionnels du secteur bancaire sauront être vigilants.

L’ABE avec des compétences élargies mais sous contrôle des parties prenantes : voilà de quoi attirer à Paris tous ceux qui savent qu’une présence permanente sur place est la meilleure façon d’être entendus et compris. C’est cela le lobbying (et rien d’autre) comme l’a expliqué à mes étudiants, la semaine dernière, le lobbyiste venu de Bruxelles…

                                        Blanche Sousi et son équipe

Le Parquet européen – bel exemple d’une Europe à plusieurs vitesses

 

La création du Parquet européen – bel exemple d’une Europe à plusieurs vitesses.

Vous entendez souvent dire que l’Europe est trop lente, qu’il est insupportable que certains Etats membres freinent ceux qui voudraient avancer, et qu’il est loin le temps où nous étions 6 autour de la table ! A l’heure où la relance de l’intégration européenne est devenue très tendance, plusieurs responsables politiques n’hésitent plus à défendre publiquement l’idée d’une Europe à plusieurs vitesses (ou à géométrie variable) : les Etats qui veulent participer à un projet doivent pouvoir le réaliser sans en être retardés ou empêchés par la réticence d’autres Etats.  Oui, mais comment ?

La procédure législative dite de « coopération renforcée » peut, dans certains cas, être une réponse. Elle est prévue par l’article 20 du Traité sur l’Union européenne (TUE) et les articles 326 à 334 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE). Voir ces articles. Et grâce à cette procédure, le Parquet européen vient d’être créé par le Règlement du Conseil (de l’Union européenne) du 12 octobre 2017. Voir ce Règlement. Explications.

La possibilité de créer un Parquet européen est inscrite à l’article 86 TFUE : pour cela le Conseil (de l’Union européenne, c’est-à-dire composé des ministres des Etats membres) doit adopter un règlement à l’unanimité. S’il s’avère que cette unanimité ne peut être réunie, 9 Etats membres au moins peuvent déclencher la mise en œuvre d’une coopération renforcée entre eux pour la création de ce Parquet.

C’est ce qu’il s’est passé. Voici, en résumé, le chemin suivi par le texte :
– le 17 juillet 2013, la Commission propose au Conseil un règlement portant création du Parquet européen. Or, le mandat de la Commission touche à sa fin et le processus est retardé pour des raisons institutionnelles (prise de fonction d’une nouvelle Commission, puis élection d’un nouveau Parlement européen).

La procédure est reprise et va pouvoir être menée à bonne allure.
– Le 7 février 2017, le Conseil (des ministres) constate l’absence d’unanimité sur le texte à nouveau proposé par la Commission.
– Le 14 février, 16 Etats demandent au Conseil européen (Chefs d’Etat et de gouvernement) d’examiner à son tour le projet, ce qu’il fait le 9 mars et constate son désaccord sur le texte.
– Le 3 avril 2017, ces 16 Etats notifient au Parlement, au Conseil et à la Commission, leur souhait d’instaurer une coopération renforcée sur la base du règlement proposé par la Commission. Quelques jours plus tard, quatre autres Etats indiquent qu’ils souhaitent également y participer. Ils sont donc 20. Les 8 qui pour diverses raisons, plus ou moins avouables, n’y participent pas sont : le Danemark, l’Irlande, le Royaume-Uni, les Pays-Bas, la Suède, Malte, la Hongrie et la Pologne.
– Le texte revient donc au Conseil (des ministres) : seuls les 20 Etats concernés prennent part au vote. Ils ont la ferme volonté politique d’aboutir. Ils expriment leur accord le 8 juin 2017, et le Parlement européen donne son approbation le 5 octobre.
Le Règlement est adopté le 12 octobre et il est aussitôt publié au journal officiel de l’UE.

La procédure de coopération renforcée a permis la création du Parquet européen qui sans elle, n’aurait jamais vu le jour. Ce qui aurait été regrettable.
En effet, l’objectif du Règlement  intéresse tous les contribuables européens puisqu’il s’agit de lutter contre les atteintes au budget de l’Union européenne (que nous finançons en partie et dont nous profitons aussi).

Le Parquet européen aura pour mission de «rechercher, poursuivre et renvoyer en jugement les auteurs et complices des infractions pénales portant atteinte aux intérêts financiers de l’Union ». Cela vise, par exemple, les détournements de subventions européennes ou leur obtention sur fausses déclarations,  les fraudes transfrontières à la TVA et d’autres infractions également énumérées et définies par la Directive du PE et du Conseil du 5 juill.2017.
Il mènera des enquêtes, effectuera des poursuites et agira devant les tribunaux compétents des Etats membres contre les auteurs de ces infractions  jusqu’à ce que l’affaire ait été définitivement jugée.

L’heure est maintenant à la mise en place de cette nouvelle institution qui sera basée à Luxembourg, et à la nomination de ses membres : le chef du parquet et ses deux adjoints, les vingt procureurs européens (un pour chaque Etat participant), les chambres permanentes ; il faudra aussi désigner les procureurs européens délégués dans les Etats participants (au moins 2 dans chacun). Pour tout cela, voir les articles 8 et suivants du Règlement.

Le Parquet européen n’entrera en fonction que vers la fin 2020, mais il pourra mener sa mission pour toutes les infractions commises à compter de la date d’entrée en vigueur du Règlement (article 120), c’est-à-dire le 20 novembre 2017.
On ne peut qu’applaudir à la création du Parquet européen. Preuve est faite de l’efficacité de la procédure de coopération renforcée.

Encore faut-il pour aboutir, qu’elle soit portée par des Etats animés par un projet politique solide et non par des promesses peu réalisables. La taxe sur les transactions financières en est, à ce jour, la pire illustration.  

 

Blanche Sousi
et son équipe