Brexit – Demandez le report ! Demandez le report !

Brexit – Demandez le report ! Demandez le report !

Comme peut-être certains d’entre vous, j’avais cessé depuis quelques semaines de suivre cette série britannique communément appelée Brexit, abréviation de British Exit (d’ailleurs au vu du scénario, British Remain ne serait-il pas maintenant plus juste ?) ; j’avais perdu le fil de l’intrigue, trop complexe, malgré le souci constant de transparence et de pédagogie de Michel Barnier, le négociateur en chef pour l’Union européenne (UE).

J’attendais donc naïvement le 31 octobre, date du dernier épisode programmé : ce jour-là le Royaume-Uni (RU) sortirait de l’UE. Cela ne faisait pas de doute : il avait déjà, par deux fois, demandé et obtenu le report de la date de son retrait, un 3ème report semblait exclu (pour toute la chronologie des négociations concernant le Brexit depuis juin 2016, voir le site du Conseil). A quelques jours du 31 octobre, une seule incertitude demeurait, et non des moindres : serait-ce un retrait avec ou sans accord (deal or no deal) ?

Or, le 29 octobre en fin d’après-midi, un Communiqué de presse du Conseil, annonce que le Conseil européen dans sa formation résultant de l’article 50 du traité sur l’Union européenne (c'est-à-dire les 27 chefs d’Etat et de gouvernement) a pris, à l’unanimité et par procédure écrite, une nouvelle décision  accordant encore au Royaume-Uni (qui le demandait) un délai et cela….. jusqu’au 31 janvier 2020 « afin de lui donner plus de temps pour la ratification de l’accord de retrait ». 

Il est précisé dans cette décision, comme dans les deux précédentes, que le RU reste un Etat membre ayant tous les droits et obligations prévus par les traités et le droit de l’Union (ainsi souligné dans le texte officiel du communiqué de presse). Elémentaire, mon Cher Watson !

A l’annonce de ce nouveau report, beaucoup de citoyens, qu’ils soient ou non acteurs économiques, s’inquiètent de devoir encore rester dans une situation d’incertitude qui leur est de plus en plus préjudiciable. Ils s’interrogent : qu’adviendra-t-il si le 31 janvier l’accord de retrait n’est toujours pas ratifié par les deux parties (le Royaume-Uni et l’Union européenne). Ce 3ème délai qui vient d’être consenti n’est-il pas trop court, fallait-il laisser plus de temps aux britanniques (comme Valéry Giscard d’Estaing l’avait récemment suggéré) ? Un 4ème report est-il juridiquement possible et pour quelle durée ?

La réponse, comme toujours, se trouve dans les traités : il suffit de (re)lire l’article 50 TUE et notamment son paragraphe 3.

Il y est d’abord écrit que « les traités cessent d'être applicables à l'État concerné à partir de la date d'entrée en vigueur de l'accord de retrait ou, à défaut, deux ans après la notification visée au paragraphe 2… » : on rappelle qu’il s’agit, en l’espèce, de la lettre que Theresa May, alors premier ministre britannique, avait adressée le 29 mars 2017 au président du Conseil européen et par laquelle elle indiquait formellement l’intention du RU de sortir de l’UE. Le retrait devait donc avoir lieu au plus tard le 29 mars 2019.

Cependant, cet automatisme est nuancé par la suite du texte ainsi rédigé :
« …sauf si le Conseil européen, en accord avec l'État membre concerné, décide à l'unanimité de proroger ce délai ».

Ainsi juridiquement, rien n’est prévu quant au nombre de reports possibles, ni quant à la durée de chacun. La souplesse de la rédaction laisse aux chefs d’Etat et de gouvernement de l’UE toute latitude pour décider politiquement de la décision à prendre, à la seule condition qu’elle soit prise à l’unanimité.

Or, cette unanimité n’a pas manqué depuis le début des négociations concernant le Brexit. Les chefs d’Etat et de gouvernement ont su l’afficher dans l’intérêt bien compris de leurs pays et de leurs peuples ; ils ont su maintenir leur consensus pour tenter de parvenir à une sortie du RU avec un accord de retrait respectueux de tous, en particulier pour assurer la paix entre les deux Irlandes (République d’Irlande et Irlande du Nord britannique). Michel Barnier ne manque pas d’expliquer que derrière les détails techniques, les rebondissements, les reports, l’objectif était de parvenir à un accord permettant de sauvegarder durablement les accords de paix signés en 1998 et, d’une façon générale, la sécurité (sanitaire, juridique, économique etc.) de tous les citoyens européens.
« In our negociations with the UK, we put peace and reponsibility first », vient-il encore d’affirmer.

Saluons donc cette unanimité des chefs d’Etats et de gouvernement européens par ailleurs si rare… comme le peuple Kurde vient d’en faire le douloureux constat.

Blanche Sousi
et son équipe