Protection des données personnelles : savez vous que le Règlement européen du 27 avril 2016 nous concerne tous (ou quasiment) ?

Protection des données personnelles : savez-vous que le Règlement européen du 27 avril 2016 nous concerne tous (ou quasiment) ?

Beaucoup le savent bien car, comme tous ceux qui traitent des informations relatives à notre personne (nos nom, prénom, domicile, date de naissance et plus encore ! …), ils nous préparent l’entrée en application de ce Règlement, dit Règlement général sur la protection des données (RGPD).  Ce sera le 25 mai 2018. Pour eux, le compte à rebours a commencé.

Ce sont nos banquiers, nos assureurs, nos fournisseurs (d’internet, d’eau, de gaz, d’électricité, et de tous autres biens ou produits), nos employeurs, mais aussi les organismes divers (collectivités locales, administrations, services publics, universités, hôpitaux, etc..) avec lesquels nous sommes ou avons été en relation, bref tous ceux qui, dans le cadre de leur activité, détiennent et manipulent – de manière informatique ou pas –  tous ces éléments qui nous sont propres  (à noter que tout ce qui vise la sécurité nationale relève d’autres textes spécifiques). Cela fait beaucoup de monde.

D’autant plus que le Règlement concerne tous ceux qui exercent leur activité sur le territoire de l’UE même s’ils n’y sont pas établis ….Oui ! Une grande entreprise américaine ou chinoise qui, à partir de son siège, offre des biens ou des services à des personnes résidant dans l’UE sera soumise au règlement.

Il va sans dire que Google, Amazon, Facebook ou Apple sont concernées comme le sont toutes les autres entreprises étrangères (qu’elles aient ou non une filiale ou une succursale dans l’UE), qui traitent les données de résidents européens (et non pas seulement de citoyens européens…).

Cela répond à une forte demande de la société civile (consommateurs, ONG) soutenue intensément par le Parlement européen très actif sur ces questions et qui l’a bien montré lors des travaux préparatoires à l’adoption du Règlement. On peut dire que le texte est un acte militant européen : l’UE prend position contre ses partenaires économiques des autres pays du monde pour protéger ses résidents.

Mais quelle protection ? Sans pouvoir ici entrer dans la technique juridique, on retiendra les deux principaux objectifs   :

1 – assurer aux personnes protégées une certaine maîtrise sur leurs données personnelles. Quelques règles existaient déjà dans la directive que le règlement remplace (droit d’accès à nos données personnelles, droit d’opposition et de rectification), d’autres sont introduites (portabilité, droit à l’oubli et de limitation).

2 – assurer la sécurité des données traitées. Le Règlement opère une véritable révolution par rapport à la situation antérieure où le contrôle de la conformité se faisait préalablement au traitement : l’entreprise détenant des données devait, avant tout traitement, accomplir diverses déclarations et formalités auprès de l’autorité nationale compétente (la CNIL en France, la Commission de la protection de la vie privée en Belgique, ou encore la Commission nationale de la protection des données au Luxembourg) ; désormais l’entreprise est entièrement responsable du contrôle de la conformité de son système de traitement. C’est, selon la terminologie anglaise, l’accountability. L’entreprise doit prendre les mesures techniques et organisationnelles appropriées pour assurer en permanence la sécurité et la confidentialité des données qu’elle traite (on pense évidemment au vol des fichiers, leur destruction, leur détérioration…). Elle doit, en principe, désigner un délégué à la protection des données personnelles tant dans les secteurs public que privé (art.37 du Règlement).

Tout cela exige pour bon nombre d’entreprises qu’elles repensent (voire reconstruisent) leurs différents systèmes de traitement pour assurer le respect de ces deux objectifs. Chantier parfois considérable et d’autant plus difficile que le Règlement couvre tous les secteurs d’activités (il est horizontal et non sectoriel) et ne prend donc pas en compte les exigences spécifiques à tel ou tel secteur. Ce sera à chaque opérateur de s’adapter aux règles édictées par le Règlement… Il y aura sans aucun doute des disparités dans l’interprétation de tel ou tel concept évoqué par le texte mais sans y être précisément défini : la confidentialité par exemple.  

Un important travail de coordination sera assuré par les autorités nationales au sein du Comité européen de la protection des données CEPD  (qui remplacera en mai 2018 le G29, instance consultative composée des autorités nationales, prévue à l’article 29 de la directive de 1995, et qui est déjà à l’œuvre). La nouvelle autorité européenne aura de nombreuses missions et pouvoirs (art. 68 et suiv. du Règlement), y compris la compétence pour émettre un avis contraignant quant aux amendes qui pourraient, en cas de violation du Règlement, être infligées aux entreprises traitant des données dans plusieurs Etats membres, ce qui inclut, on le rappelle, les grandes entreprises du monde entier.

Voilà un bel exemple de « l’Europe qui protège » selon une formule jupitérienne également chère au Président de la Commission européenne !

Blanche Sousi et son équipe

 

 

 

 

 

 

 

 

Parution : L’Europe bancaire, monétaire et financière par les plus grandes plumes européennes.

L’Europe bancaire, financière et monétaire.

Cet ouvrage collectif est un Liber Amicorum  dédié au professeur Blanche Sousi, aujourd’hui professeur émérite de l’Université Lyon 3.

Dans ce recueil, quarante et une signatures expertes donnent leur éclairage technique et lucide sur l’Europe bancaire, financière et monétaire. Tous les auteurs sont d’une façon ou d’une autre des acteurs de cette Europe. Ils n’hésitent pas à livrer leur vision personnelle sur des sujets dont ils ont une profonde connaissance. C’est dire combien l’ensemble de ces études  est une source inestimable d’informations souvent mal ou peu connues.

Les lecteurs y puiseront de nombreux éléments permettant de mieux comprendre certaines réformes européennes récentes et leur portée pour l’avenir.

Sommaire

I.         Processus de construction de l’Europe bancaire, financière et monétaire
II.        Pays tiers
III.      Union bancaire
IV.       Union monétaire
V.        Statut des établissements
VI.       Financement de l’économie européenne
VII.     Paiements et finance numérique
VIII.    Clauses et pratiques contractuelles dans les financements bancaires
IX.       Protection des clientèles
X.        Crise financière
XI.       Contentieux et règlement des litiges
XII.     Droit fiscal financier

Contributeurs et sujets traités

Frédéric Allemand – Sens et essence de l’euro dans l’ordre juridique de l’Union européenne.

Jean AllixPaiements électroniques : le Règlement 2015/751 sur les commissions d’interchange.

Bertrand de Belval – Les transformations  du contentieux bancaire : plaidoyer pour une direction juridique engagée.

Pervenche Berès Banques, marchés financiers : quelles priorités pour l’économie européenne ?

Jean-Sylvestre Bergé – Evocation du système bancaire européen à travers les trois générations de droit européen.

Thierry BonneauAnalyse critique de la contribution de la CJUE à l’ascension juridique du bitcoin.

Claudio Bonora et Roberto Ferretti – La discipline communautaire des services de paiement : bilan et perspectives.

Jean-Marie CanacL’application à Monaco des règles françaises et européennes en matière bancaire, financière et monétaire.

Georges CavalierLe « bénéficiaire effectif » en droit fiscal financier comparé.

Pierre-Henri ConacL’auto-placement d’instruments financiers par les établissements bancaires et la protection des investisseurs par l’European Securities and Markets Authority (ESMA).

Emmanuel ConstansConcertation et régulation : l’action du Comité consultatif du secteur financier, une première en Europe.

Charles Cornut – Une résolution en Andorre. On a toujours besoin d’un plus petit que soi.

Jean-Jacques Daigre – Rapide commentaire de l’article L.423-1 du Code monétaire et financier sur la commercialisation en France de produits financiers émis sur un marché étranger non reconnu.

Thierry Favario – Les covenants bancaires. Un bref aperçu sur une pratique.

Edouard Fernandez-BolloLa supervision européenne des intermédiaires financiers : situation et perspectives.

Marie-Paule Gillen – Les règles de conduite prévues par les directives européennes en matière de services d’investissement et leur accueil par les tribunaux nationaux. Etude en droit luxembourgeois.

Olivier Girard – Une brève histoire des clauses d’équivalence ou L’Union européenne comme rouage clé de la régulation financière mondiale.

Alain Gourio et Marie Gillouard – Les options ou discrétions nationales en matière prudentielle.

Catherine Houssa – Le droit bancaire européen et le défi de la finance numérique.

Marc Lacoursière La perspective bancaire nord-américaine de la crise financière de 2007-2009.

Jacques de Larosière – Réflexions sur la politique monétaire : un point de vue européen.

Pierre de Lauzun – Union bancaire, union des marchés de capitaux : réflexion sur le processus de construction de l’Europe.

Jean-Victor Louis – L’Union bancaire : un processus incomplet ?

Reine-Claude Mader – Les problématiques rencontrées par les consommateurs de services financiers.

Jean-Pierre Mattout – Sanctions internationales, luttes anti-corruption, anti-blanchiment et déclarations et garanties dans les financements internationaux.

Jean-Pierre Moussy – Crise et régulation. Points de repère et perspectives.

Susana MuňozRetour aux fondamentaux : les droits sociaux au socle de la nouvelle gouvernance économique européenne.

Cyril Nourissat – Le prêt immobilier transfrontière : sur quelques questions relatives à la loi applicable.

Christian NoyerRéflexions sur la nature fédérale de l’Eurosystème.

Françoise Palle Guillabert – Définition européenne des établissements de crédit et réforme des statuts en France.

Alice Pezard  – Réglementation bancaire et désintermédiation du financement des entreprises. Où trouver la pierre angulaire ?

Etienne Pflimlin – Les banques coopératives : un acteur original, un modèle d’avenir.

Bertrand de Saint Mars – La régulation de marché en Europe. La priorité est la convergence des pratiques.

François Schwerer – Cinquante ans de droit bancaire, ou la Révolution par le droit.

Panayotis Soldatos – Déficit politico-institutionnel d’une zone euro asymétrique.

Christophe Steyaert – Les nouveaux produits financiers européens visant à développer le capital à risque.

Dimitris Triantafyllou – De la restructuration des entreprises à la « résolution » bancaire. Un bel exemple de relation dialectique.

Régis Vabres – La portée des recommandations de l’Autorité européenne des marchés financiers.

Michel Van Huffel – Amendes et compétence de pleine juridiction du juge européen : à la confluence du droit de la concurrence et du droit bancaire et financier.

 

Liber Amicorum
Blanche Sousi
L’Europe bancaire, financière et monétaire
RB Edition, 460 pages, 70 €.

 

 

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L’Union européenne, toute en symboles

L’Union européenne, toute en symboles

Avez-vous remarqué que depuis quelques semaines, l’Europe est à la une : de nombreux français disent avoir voté pour elle lors de l’élection présidentielle, on voit son drapeau, on entend son hymne, on en parle davantage de manière positive, bref elle est tendance…Valéry Giscard d’Estaing vient d’ailleurs, fort à propos, de lancer un appel à Emmanuel Macron pour que la France signe la déclaration n° 52 annexée à l’acte final de la conférence intergouvernementale ayant adopté le Traité de Lisbonne, et qu’elle reconnaisse ainsi tous les symboles de l’Europe, comme d’autres Etats membres l’ont déjà fait (voir cette déclaration n°52 ).

Belle occasion de rappeler ces différents symboles et d’en dire quelques mots (en attendant les débats beaucoup plus techniques sur les réformes de la gouvernance de l’UE et de la zone euro qui ne manqueront pas d’occuper bientôt l’actualité européenne).

Le drapeau : selon sa description officielle, il est constitué d’un cercle de douze étoiles d’or sur fond bleu. On remarque que, contrairement au drapeau des USA, le drapeau européen ne comporte pas un nombre d’étoiles égal au nombre d’Etats membres. Pourtant, lorsqu’il a été choisi lors du Conseil européen de Milan de juin 1985 pour être, à compter du 1er janvier 1986, l’emblème de la Communauté européenne (aujourd’hui Union européenne), beaucoup de citoyens ont pensé qu’à chaque élargissement, on ajouterait une étoile par nouveau membre. La suite a montré qu’ils se trompaient.
La confusion est venue du fait qu’en 1986, il y avait douze Etats membres, et donc autant que d’étoiles sur le drapeau … Avait-on voulu cette coïncidence ?

Quoi qu’il en soit, lors de l’élargissement de 1995, le drapeau n’a pas été modifié. Il était désormais évident que le nombre d’étoiles resterait invariable.

Pourquoi ? La raison est historique : le Conseil de l’Europe (à ne pas confondre avec l’Union européenne) avait adopté, dès 1955,  ce drapeau aux douze étoiles (alors qu’il comptait déjà 15 membres et en compte 47 aujourd’hui) et avait, plus tard, suggéré aux nouvelles institutions européennes de l’adopter également. C’est donc ce qu’il advint.

Faut-il le regretter ? Le nombre douze est chargé de symbolique dans notre culture, cela depuis l’Antiquité, et diverses significations  peuvent être données à ce cercle de douze étoiles d’or sur fond bleu. De quoi nourrir l’imaginaire de chacun et satisfaire les aspirations de tous…

L’hymne : il est tiré de « l’Ode à la joie » de la Neuvième symphonie de Ludwig van Beethoven.
Pourquoi cette mélodie ? L’historique est le même que pour le drapeau. Lors du Conseil européen de Milan des 28 et 29 juin 1985, les chefs d’Etats et de gouvernements ont décidé (sur le rapport du Comité pour l’Europe des citoyens, dit Comité Adonnino), d’adopter l’hymne qu’avait déjà choisi le Conseil de l’Europe en 1972. Pour en savoir un peu plus sur cet hymne et l’écouter, voir le site de l’UE.

La devise : « Unie dans la diversité ». Cette devise a été choisie en 2000 à la suite d’un concours lancé dans les écoles de l’Union européenne. Elle a été introduite pour la première fois en 2004 (de même que les autres symboles de l’Europe) dans un traité européen, et plus précisément à l’article I-8 du traité établissant une Constitution pour l’Europe. On rappelle que ce traité résultait des travaux réalisés, entre 2002 et 2004, par la Convention sur l’Avenir de l’Europe présidée par Valéry Giscard d’Estaing. Le contenu de cet article I-8 a été repris dans la déclaration n°52 (évoquée plus haut) lors du Traité de Lisbonne.

La Journée de l’Europe le 9 mai : elle est célébrée ce jour-là dans toute l’Union et cela depuis 1986, toujours en vertu du Conseil européen de juin 1985. Il s’agit de marquer l’anniversaire de la déclaration de Robert Schuman le 9 mai 1950. Nous lui avions consacré un numéro de Banque-Notes Express en mai 2013.

Diverses manifestations sont généralement organisées à l’initiative des institutions européennes, mais aussi des différents mouvements et organismes européens ou de quiconque veut fêter l’Europe.

Si vous projetez de vous rendre dans l’une des institutions européennes, évitez le 9 mai car vous trouverez portes closes ! C’est, en effet, chaque année un jour férié pour ces institutions (voir par exemple pour 2017, la liste des jours fériés parue au JOUE).

L’euro : selon la formule officielle figurant dans la déclaration n°52 (précitée) relative aux symboles de l’UE, « l’euro est la monnaie de l’Union européenne ».  Certes à ce jour, sur les 28 Etats membres, 9 ne l’ont pas encore comme monnaie, soit parce qu’ils n’en remplissent pas les conditions, soit parce qu’ils bénéficient d’une exemption ; l’euro n’en reste pas moins la monnaie de l’Union européenne. On note d’ailleurs, que certains Etats signataires de cette déclaration n°52 n’ont pas encore adopté l’euro (Bulgarie, Roumanie) ; ils le reconnaissent pourtant comme la monnaie de l’UE.

Quelques lecteurs se souviennent sans doute, comme moi, des débats passionnés qui ont précédé l’avènement de l’euro. C’était il y a vingt ans. Souvent, aux défaitistes qui nous demandaient, lors de réunions publiques, si cette monnaie (€) trouverait sa place au plan international entre le dollar ($) et le yen (¥), nous répondions d’un sourire en traçant ceci sur l’écran ou le paperboard : ¥ € $ !

                                                                                                                      Blanche Sousi 
                                                                                                                      et son équipe

 

L’Union européenne : l’heure du lifting

L’Union européenne : l’heure du lifting.

Le 25 mars 1957, était signé le Traité de Rome, texte fondateur de ce qui, aujourd’hui, est l’Union européenne (UE). Il y a 60 ans. Nous étions six Etats membres et tout était facile entre nous (outre le fait que tous parlaient français !). Depuis, le cercle s’est agrandi et très vite, dès l’entrée du Royaume-Uni en 1973, tout est devenu plus compliqué. Pour ne parler que du domaine bancaire, monétaire et financier, l’un des premiers signes fut sans doute la première directive bancaire : le projet ambitieux qui avait été préparé à six, a dû être très édulcoré car, entre sa préparation et son adoption, nos amis anglais étaient entrés à la table des négociations … La première directive fut donc un texte timide mais un premier (petit) pas, tout de même, vers l’harmonisation des conditions d’agrément et de contrôle des établissements de crédit.

Un peu plus tard, en novembre 1979, à Dublin, lors du sommet des chefs d’Etat et de gouvernement, Margaret Thatcher contesta le montant de la contribution britannique au budget européen et, dans une formule devenue célèbre, déclara : I want my money back. Elle venait d’ouvrir une crise majeure qui  ne s’acheva qu’en juin 1984 (de guerre lasse selon certains témoins de l’époque) ; le RU obtint une compensation substantielle.

Plus tard encore, lorsqu’il fut question de monnaie unique et de négocier ce qui deviendra en 1992 le Traité de Maastricht, douze Etats étaient désormais autour de la table : tous acceptèrent l’objectif de réaliser entre eux une union monétaire sauf un, le Royaume-Uni, auquel il fallut concéder une situation particulière (et complexe) prévue dans un protocole (aujourd’hui n°15 annexé au Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne).
Certes, d’autres Etats n’ont pas encore adopté l’euro parce qu’ils n’en remplissent pas toutes les conditions  : en attendant, conformément aux traités, ils bénéficient d’une dérogation, comme d’ailleurs le Danemark qui avait obtenu de n’adopter la monnaie unique qu’après un référendum  l’y autorisant (ce fut non).

Tout cela explique qu’il y a au sein de l’UE un cercle plus restreint, celui de la zone euro (19 Etats actuellement), avec les conséquences institutionnelles qui en résultent (les compétences de la Banque centrale européenne (BCE), notamment).
L’euro n’en est pas moins devenu une réalité,  y compris dans les Etats qui ne l’ont pas officiellement adopté : quiconque voyage en Europe sait bien qu’on peut l’utiliser quasiment partout. Qui se souvient du temps où il fallait changer nos francs pour des lires, des francs belges, des pesetas, etc. ? Qui se souvient du temps où les entreprises devaient se couvrir des risques de change lors des relations commerciales avec nos voisins, ce qui inévitablement entraînait des coûts répercutés sur les consommateurs ?
La BCE est désormais installée dans le paysage mondial et joue un rôle de premier plan non seulement en matière de politique monétaire mais également, depuis novembre 2014, en matière de surveillance bancaire : le mécanisme de surveillance unique, placé sous son égide, assure le contrôle des plus importants groupes bancaires européens de la zone euro et vise à préserver une stabilité dans toute l’Europe et au-delà.

Bien sûr, beaucoup reste à faire même si l’UE a surmonté de nombreuses crises.
Elle en affronte actuellement de très sérieuses. On les connait mais la plus redoutable, parce qu’insidieuse, est certainement l’attaque qu’elle subit de la part de ceux qui en font le bouc émissaire de nos problèmes de chômage, de précarité et de croissance.

Contre toute attente, le choix du Royaume-Uni avec son Brexit, semble avoir l’effet d’un électrochoc pour l’avenir de l’UE. Partout, de nombreuses propositions fleurissent en vue de la réunion des 27 chefs d’Etat et de gouvernement prévue ce 25 mars à Rome.
C’est ainsi que, lors de sa session plénière du 16 février 2017, le Parlement européen a adopté (sous forme de résolutions) trois rapports proposant de réformer profondément l’UE :
– celui de Pervenche Berès (socialiste-démocrate française) et Reimer Böge (démocrate-chrétien allemand) sur La capacité budgétaire de la zone euro.Voir le Rapport P.Berès et R.Böge ;
– celui de Guy Verhofstadt (libéral belge) sur  Les évolutions et ajustements possibles de la structure actuelle de l’UE. Voir le Rapport G.Verhofstadt ;
– celui de Mercedes Bresso (socialiste-démocrate italienne) et Elmar Brok (démocrate-chrétien allemand) sur L’amélioration du fonctionnement de l’UE en mettant à profit le potentiel du traité de Lisbonne. Voir le Rapport M. Bresso et E. Brok.

De son côté, au nom de la Commission européenne, le président Jean-Claude Juncker a présenté au Parlement européen, lors de sa session plénière du 1er mars 2017, Le livre blanc sur l’avenir de l’UE contenant en annexe les 5 voies possibles. Voir le Livre blanc sur avenir de l'Europe,  voir l'annexe, voir le Communiqué de presse.
Ces propositions sont autant de contributions qui serviront de base aux discussions des 27 chefs d’Etat et de gouvernement réunis à Rome, en ce 25 mars.

Que vont-ils en faire ? Ces responsables politiques sauront-ils éviter de nous livrer des déclarations d’intention et des promesses sans lendemain et auront-ils, au contraire, la sagesse de prendre des décisions responsables de nature à redonner à l’UE toute sa vitalité et sa force de séduction ?
Pour ses 60 ans, c’est ce que nous lui souhaitons.

Blanche Sousi
et son équipe

 

 

 

 

 

  

 

 

 

Brexit, CETA. Suite des épisodes précédents.

 

Brexit, CETA.
Suite des épisodes précédents.

1 – Dans le numéro de Banque-Notes Express (27 juin 2016) sur le Brexit, nous vous avons laissés avec un doute : celui de savoir si, malgré le résultat du référendum du 23 juin 2016, le  Royaume-Uni (RU) allait sortir (Brexit) ou non (Remain) de l’Union européenne (UE) ?

Depuis, que s’est-il passé au plan juridique ?

En bref, Theresa May, qui a succédé à David Cameron comme Premier Ministre, a affirmé que le Brexit aurait bien lieu. Elle a promis de déclencher en mars 2017 la procédure de retrait prévue à l’article 50 du Traité sur l’Union européenne (TUE) et semblait vouloir le faire sans consulter son Parlement (Chambre des Communes et Chambre de Lords). Nenni.

Saisie à la suite de plusieurs plaintes, la Haute Cour a rendu le 3 novembre 2016 un arrêt dont il ressort que le gouvernement britannique n’a pas le pouvoir de prendre seul la décision d’actionner l’article 50 TUE.
Le gouvernement britannique a évidemment fait appel devant la Cour Suprême qui, dans son arrêt du 24 janv.2017 dernier, a rejeté cet appel et confirmé ainsi que conformément aux règles constitutionnelles du RU (c’est nous qui soulignons), la décision de retrait devait être prise en accord avec le Parlement.
En effet, l’article 50 TUE laisse à tout Etat le droit de décider de se retirer de l’UE « dans le respect de ses propres règles constitutionnelles ». Tout le débat était donc de savoir si, selon les règles constitutionnelles du RU (qui, bien que non écrites, n’en existent pas moins), l’accord du Parlement était ou non nécessaire pour décider de la sortie du RU de l’UE. Oui, ont répondu les juges britanniques, tout en précisant que la consultation des parlements d’Irlande du Nord, d’Ecosse et du Pays de Galles n’était pas obligatoire.

Les débats au Parlement britannique s’annoncent intéressants car s’il est probable que le Brexit ne sera pas remis en cause, de nombreux députés des deux partis n’ont pas l’intention de donner un chèque en blanc au gouvernement pour négocier les modalités de sortie.

Ainsi donc le droit l’emporte et on ne peut que s’en réjouir ; en revanche, il est regrettable que des (ir)responsables politiques aient laissé croire aux électeurs du RU pendant la campagne qui a précédé le référendum, que leur vote majoritaire en faveur du Brexit suffirait pour sortir de l’UE. Les promesses politiciennes ont occulté les termes de l’article 50 TUE. On ne relit jamais assez les traités européens.

2 – Dans le numéro de Banque-Notes Express (23 novembre 2016) sur l’accord (CETA) entre le Canada et l’UE, nous avions indiqué qu’après sa signature le 30 octobre, l’accord devait encore être approuvé par le Parlement européen, puis par chacun des parlements nationaux (voire régionaux) pour entrer définitivement en vigueur.
Où en est-on de ces approbations ?

Une première étape a déjà été franchie avec succès : en effet, l’accord vient d’être approuvé à Bruxelles par la commission du Parlement européen compétente en ce domaine, à savoir la commission du commerce international (INTA). Le député Artis PABRIKS, rapporteur, avait recommandé l’adoption de l’accord. Sa recommandation a été adoptée par 25 votes pour, 15 contre et 1 abstention.Voir le  Communiqué de presse INTA.

Le Parlement européen doit maintenant statuer en session plénière à Strasbourg. Cela est inscrit à l’ordre du jour de la séance du 15 février prochain.

Restera l’étape, sans doute plus difficile, de l’approbation de chacun des parlements nationaux, voire régionaux, des Etats membres.
Qui prétend que c’est « Bruxelles » qui décide en  Europe ?

 

                                                                                                                                                                 Blanche Sousi
                                                                                                                                                                  et son équipe

                                                                                                                               

L’accord Canada/UE et les services financiers

L’accord Canada/UE concerne aussi les services financiers.
Qu’est-ce que cela va changer ?

Nos amis wallons ont largement contribué à la récente médiatisation de l'accord économique et commercial global (AECG) plus connu sous le sigle CETA (Comprehensive Economic and Trade Agreement). En bloquant, à partir du 14 octobre et pendant quelques jours, l’approbation de cet accord par la Belgique, ils ont placé sous les projecteurs un texte dont nombre de citoyens ignoraient jusqu’alors l’existence même.

On souligne au passage que si cet épisode a juridiquement été possible, c’est parce que les parties à l’accord sont d’une part le Canada, et d’autre part l’Union européenne et ses Etats membres : il fallait donc recueillir non seulement le consentement du Canada et de l’Union européenne, mais aussi  celui de chacun des 28 Etats membres. Après des négociations qui ont permis certains aménagements et engagements, l’accord a finalement été signé le 30 octobre dernier (texte de l'accord).

La procédure n’est pas terminée pour autant car le Parlement européen doit maintenant approuver le texte (le vote pourrait intervenir début 2017), texte qui devra ensuite être ratifié par chacun des parlements nationaux, voire régionaux (s’agissant de certains Etats ayant un système fédéral), pour entrer définitivement en vigueur…. Ce qui prendra un certain temps : les opposants au principe même d’un tel accord de libre-échange peuvent peut-être espérer que l’entrée en vigueur définitive n’intervienne jamais.

Ce serait oublier que, sans attendre ces ratifications nationales, quasiment toutes  les dispositions du CETA entreront en vigueur à titre provisoire dès l’approbation du Parlement européen, sauf celles concernant le nouveau système de règlement des litiges entre investisseurs et Etats. Ce système (prévu aux articles 8-18 et suiv. du CETA) qui était au cœur de la contestation lors de l’épisode belge, cristallise encore de nombreuses critiques : face à ces oppositions,  le Canada et la Commission européenne se sont engagés à mettre à profit la période nécessaire aux ratifications nationales pour apporter les modifications utiles à lever toute réticence.

Outre ce sujet de contestation, il a également été beaucoup question dans la presse, d’agriculture, de normes sociales, de normes environnementales, des bienfaits et des méfaits du libre-échange ; mais de services financiers, il fut peu (pas ?) question. Pourtant un chapitre entier leur est consacré.

Nous ne résistons donc pas à la tentation de le signaler ici et d’en dire quelques mots. Il s’agit du Chapitre 13 de l’accord dont la lecture peut dérouter ceux des lecteurs qui sont peu familiers des accords internationaux, et en particulier du GATS (AGCS – Accord général sur le commerce des services) qui, on le rappelle, est annexé à l’accord de Marrakech de 1994,  instituant l’Organisation mondiale du Commerce (OMC).

On retrouve en effet, dans ce chapitre 13 du CETA, des dispositions identiques à celles figurant dans le GATS notamment, traitement national, clause de la nation la plus favorisée, accès aux marchés, spécificité des services financiers (exception prudentielle et règles encadrant la reconnaissance des mesures prudentielles).

Il ne faut pas s’en étonner car toutes les parties au CETA (Canada, UE et ses 28 Etats membres) sont toutes parties au GATS. Même si le CETA n’avait pas repris ces dispositions, elles seraient applicables du fait du GATS. Il était néanmoins logique de les réaffirmer avec, il est vrai, quelques dispositions supplémentaires, très techniques, qu’il ne nous paraît pas utile d’évoquer ici.

Alors, ces quelques dispositions mises à part, quel est l’apport du CETA en matière de services financiers ? On note la création d’un Comité des services financiers (article 13.18) qui permettra d’entretenir, entre les parties, un dialogue sur la règlementation du secteur des services financiers.

On note surtout (article 13.21) que les dispositions générales du CETA concernant le règlement des litiges  relatifs aux investissements entre investisseurs et Etats,  s’appliqueront en matière de services financiers, mais avec un mécanisme permettant d’éviter que l’un de ces litiges empêche la mise en œuvre de mesures visant à la stabilité financière. Nous écrivons « s’appliqueront » car, comme indiqué plus haut, il s’agit là de dispositions qui n’entreront en vigueur qu’après les ratifications nationales. A suivre.

Pour l’heure donc, il est vrai que cet accord économique et commercial global de libre-échange que constitue le CETA n’apporte pas de changements essentiels en matière de services financiers ; cependant, il est  sans doute de nature à favoriser le développement des activités bancaires et financières (y compris assurantielles) entre le Canada et l’UE et ses Etats membres.

Certains y verront une opportunité, pour les professionnels du secteur financier et leurs clientèles, de développer des relations transatlantiques avec un partenaire alternatif aux Etats-Unis, bien qu’évidemment de moindre importance.

 

 

Blanche Sousi
 et son équipe

 

 

 

Valse anglaise

Depuis quelques jours, vous entendez et lisez tout et son contraire après le référendum confirmant le souhait du Royaume-Uni de sortir de l’Union européenne (UE). Sur place, on se réjouit de ce résultat ou on le déplore (on pleure même), on fête le départ ou on envisage les moyens de l’éviter…Sur le continent, pour certains ce serait la fin du projet européen, pour d’autres une chance pour le relancer. Evidemment, chacun est dans son rôle et tous en appellent à nos émotions.
Ce qui est inacceptable, au-delà des prises de position purement politiques au soutien de thèses partisanes, ce sont les déclarations approximatives ou les raccourcis erronés qui trompent les citoyens et sèment la confusion, même si cela n’était pas intentionnel. Parfois ces annonces paraissent anodines, elles n’en sont pas moins inexactes et sources de malentendus.
Par exemple, celle lancée par nombre de commentateurs ou journaux désireux de faire du sensationnel dès le vendredi 24 au matin, et souvent reprise sur les réseaux sociaux : « L’Europe des 28 se réveille à 27 ! ».  Faux évidemment. Le résultat du vote britannique n’a pas, de lui-même et en un instant, fait sortir le Royaume-Uni de l’Union européenne. Cela se fera à l’issue d’une procédure qui peut être assez longue, d’autant que le top départ est entre les mains du gouvernement britannique. En attendant, nous sommes toujours 28 dans l’Union européenne et les droits et obligations du Royaume-Uni restent les mêmes, comme le rappellent les présidents des institutions européennes dans un Communiqué du 24 juin 2016 (en anglais !).
Quelques précisions sur cette procédure : elle est prévue dans le traité sur l’Union européenne (TUE), et plus précisément à Article 50  qui constitue ce que l’on appelle « la clause de retrait ».
Il ressort de ce texte que le Royaume-Uni devra notifier au « Conseil européen » (c'est-à-dire au Conseil composé des chefs d’Etat ou de gouvernement), son intention de se retirer. Aucun délai n’est précisé à ce stade ce qui laisse, en quelque sorte, au gouvernement britannique le choix de la cadence initiale. Après cette notification, une période de négociation (qui ne peut excéder deux ans) s’ouvrira pour préparer un accord fixant les modalités et les conditions du retrait, et donc les relations futures qu’entretiendront l’UE et le Royaume-Uni.
Juridiquement, les acteurs et les responsables de cette négociation avec le Royaume-Uni seront : le Conseil européen (en l’occurrence sans le premier ministre du Royaume-Uni), le Conseil de l’UE (composé pour chaque Etat membre, d’un ministre le représentant mais, là encore pour cette négociation, sans le représentant du Royaume-Uni), la Commission européenne et enfin le Parlement européen dont l’approbation est nécessaire à l’adoption de l’accord. Il est évident que de nombreuses autres voix, tout aussi importantes, se feront entendre lors de ces négociations. Certaines commencent à se manifester.
Ce n’est qu’à la date d’entrée en vigueur dudit accord, que le Royaume-Uni sortira juridiquement de l’UE.
Dès lors quel sera son statut au regard de l’UE ? Les possibilités sont nombreuses : statut d’un simple pays tiers, ou statut d’un pays comme la Norvège (pays ayant adhéré à l’Espace économique européen-EEE), ou encore statut d’un pays comme la Suisse (ayant signé des accords bilatéraux), etc. Tout peut sortir de la négociation, y compris un statut inédit à imaginer…
Or l’enjeu est considérable dans tous les domaines et, en particulier, en matière bancaire et financière. On rappelle, en effet, qu’en vertu des textes européens, les établissements de crédit et les entreprises d’investissement qui ont reçu, d’une autorité compétente de l’EEE (l’UE + Norvège, Islande Liechtenstein), un agrément pour exercer leur activité dans l’un de ces 31 Etats, ont le droit de l’exercer par voie de succursale ou en libre prestation de services dans les 30 autres, sans avoir à y demander un nouvel agrément : c’est le « passeport européen ».
Il en va différemment pour les établissements de crédit et entreprises d’investissement agréés par un pays tiers.  Ce qui, d’ailleurs, explique pourquoi certains établissements de ces pays (USA, Pays du Moyen Orient, ou d’Extrême Orient, etc.) ont, et depuis longtemps, créé une filiale dans un Etat membre de l’Union européenne : une telle filiale est agréée comme un établissement de cet Etat et obtient, par là même, le passeport européen.  
Qu’adviendra-t-il des établissements agréés par le Royaume-Uni (y compris les nombreuses filiales de banques de pays tiers) et donc de la Place financière de Londres ? Tout va dépendre des termes de l’accord à venir.
Par exemple, pourrait-on décider que le Royaume-Uni ne soit pas dans l’EEE mais que ses banques continuent à profiter librement de ce grand marché ?
Chacun comprendra que ce serait un coup porté aux banques européennes et à l’exigence d’une égale concurrence (level playing field) qui fonde depuis toujours la construction européenne. Ce serait, en plus, un signal dangereux pour l’avenir même du projet européen car cela créerait un précédent aux conséquences imprévisibles.
Ceux qui négocieront l’accord fixant les relations entre l’UE et le Royaume-Uni après sa sortie, ont donc une immense responsabilité.
Mais quelques lecteurs pourraient penser que tout cela est sans objet…car déjà, à Londres, des voix rappellent que le résultat du référendum ne liant pas le gouvernement, la notification qui ouvre la procédure de retrait peut tarder ou ne jamais être faite.  Si c’est de l’humour anglais, il n’est pas drôle.

 

Blanche Sousi
et son équipe

 

 

 

 

 

Le Comité de Bâle

Carnets de Bâle

Il y a deux catégories d’interlocuteurs qui peuvent vous parler de Bâle : les amateurs d’art contemporain et les banquiers. Bien sûr, ils n’en parlent pas pour les mêmes raisons, les uns évoquent leur dernière visite à Art Basel, les autres les dernières règles définies par le Comité de Bâle pour mieux assurer la stabilité du système bancaire mondial ; mais tous vous donnent parfois cette étrange impression de ne pas être armé pour comprendre leur propos et les suivre dans la danse.
Il faut, en effet, une certaine expérience pour accéder à l’art contemporain, comme à la technicité des documents émanant du Comité de Bâle. Nous laisserons cela aux experts. En revanche, chacun de nous est en droit de savoir ce qu’est ce comité, comment il travaille et s’il consulte (et qui ?) avant de produire ces règles qui, finalement, nous concernent tous car il s’agit de la santé de nos banques.
Voici quelques éléments de réponse que nous avons notés dans nos carnets.

Qu’est-ce que le « Comité de Bâle » ?
Cette appellation, bien qu’habituelle (et que nous utiliserons), est un faux ami car elle prête à confusion. Certes, elle fait comprendre qu’il s’agit d’une structure implantée à Bâle, mais elle peut laisser croire qu’il n’y a qu’un seul comité de ce genre dans cette ville suisse…ce qui est loin d’être le cas. Explication.

Le Comité de Bâle dont la dénomination complète est « Comité de Bâle sur le contrôle bancaire » n’est que l’un des comités permanents établis au sein de la Banque des règlements internationaux (la BRI) dont le siège est situé à Bâle.
On rappelle que la BRI, créée en 1930 pour promouvoir la stabilité monétaire et financière internationale, est aujourd’hui composée des banques centrales de la plupart des pays du monde. Ses comités permanents élaborent, chacun dans son domaine de compétence, des études, des rapports et fixent des règles (qu’elles s’appellent accords, principes, normes, recommandations ou standards).
Il est évident que les diverses décisions du Comité de Bâle ont un fort écho médiatique et font souvent la « une » de la presse spécialisée. Il est courant de parler de  « Bâle 1 », de « Bâle 2 »(parfois même de « Bâle 2 1/2  »), de « Bâle 3 » pour désigner les textes successifs qu’il a déjà adoptés en matière de contrôle des établissements de crédit…en attendant peut-être « Bâle 4 ».
Mais cela ne doit pas cacher les autres comités permanents qui mènent des travaux également importants au sein de la BRI. En voici donc la liste pour information :
– le Comité sur les paiements et les infrastructures de marché,
– le Comité sur le système financier mondial,
– le Comité des marchés,
– le Forum sur la gouvernance d’une banque centrale,
– le Comité Irving Fisher sur les statistiques de banque centrale.
Pour en savoir plus sur chacun de ces comités, voir sur le site de la BRI (en anglais). 

Qui sont les membres du Comité de Bâle ?
A ce jour, ce sont les banques centrales et/ou les autorités de contrôle bancaire de 27 pays du monde (dont tous les membres du G20) + la Banque centrale européenne (BCE) et le Mécanisme de supervision unique (MSU) pour l’Union européenne. Ainsi pour la France, siègent au Comité, des représentants de la Banque de France et de l’ACPR (Autorité de contrôle prudentiel et de résolution).

A noter que certains autres pays ou organismes siègent à titre d’observateurs, comme la Commission européenne. 
Voir la liste complète.

Comment travaille-t-il ?
Son président, actuellement Stefan Ingves, gouverneur de la banque centrale de Suède, est nommé par le Groupe des gouverneurs de banque centrale et des responsables du contrôle bancaire (GHOS) qui est l’organe de surveillance du Comité.
Les réunions du Comité se tiennent au moins 4 fois par an et davantage si nécessaire (ce peut être alors par télé ou visio-conférences).
Ses décisions (prises par consensus entre ses membres) sont publiées sur son site et quiconque peut en prendre connaissance. De plus, elles sont généralement annoncées par un communiqué de presse, comme celui du 21 avril 2016  concernant le risque de taux d’intérêt. Accéder à la version française 
Mais de telles décisions ne sont que l’aboutissement des réflexions et travaux des cinq groupes qui structurent le Comité, eux-mêmes  assistés de groupes de travail et de commissions ad hoc. Participent à ces différents travaux des experts des banques centrales et des autorités de contrôle des pays membres du Comité. Le travail est long (parfois très long) du fait de la technicité des sujets traités, mais aussi de la nécessité de trouver les voies d’un consensus entre les représentants des différents pays membres. A noter que les décisions les plus importantes doivent être soumises à l’approbation du GHOS.

Le Comité procède-t-il à une concertation externe ?
Oui, c’est là un point essentiel et la clef de voûte de toute l’organisation de son travail : en effet, pour  accomplir sa mission principale qui est de renforcer le système financier mondial, le Comité doit mener une large concertation au-delà de ses seuls membres.

Il coopère donc avec des autorités bancaires de pays qui ne sont pas représentés dans ses structures internes. La Conférence internationale des autorités de contrôle bancaire, qui se tient deux fois par an et qui permet au Comité d’échanger avec des autorités bancaires du monde entier, atteste de cette logique.
Le Comité travaille également avec d’autres acteurs institutionnels sur les sujets proches de ses compétences (Association internationale des contrôleurs d’assurance, divers groupes travaillant sur les règles comptables et d’audit, etc.). Il mène également des études d'impact pour mesurer les incidences que pourraient avoir ses projets qu'il modifiera si nécessaire.
Mais il y a plus……des consultations publiques sont organisées.

Les consultations publiques. En vertu de sa Charte (ici en français), le Comité doit procéder à une consultation publique sur les normes qu’il propose d’adopter. Cette consultation se fait via son site : par exemple la consultation ouverte le 19 avril 2016 (révision de Bâle 3) Voir en français le Document de consultation.
Certes, il faut avoir une certaine expertise des sujets traités pour être en mesure de répondre à de telles consultations très techniques ; il n’en demeure pas moins qu’une réelle transparence existe et que quiconque, s’il a les connaissances suffisantes, peut faire valoir son point de vue. Mais surtout, en visitant régulièrement le site du Comité de Bâle (comme ceux des autres comités permanents de la BRI), chacun de nous, expert ou pas, peut se tenir informé des règles en préparation et, si besoin, se les faire expliquer par des initiés. Car lorsqu’elles seront adoptées, ces règles seront appliquées dans les différents pays ayant participé à leur élaboration. Mais sous quelle forme alors que, juridiquement, elles ne sont pas contraignantes ?

Comment les principes définis à Bâle sont-ils mis en œuvre ?
Les règles définies par le Comité de Bâle n’ont pas, en elles-mêmes, force de loi  (c’est de la soft-law), mais leur influence est importante car elles constituent pour les pays membres un engagement moral fort de les mettre en œuvre, ce qu’ils font, bien que ce soit sous des formes diverses : simple mise en  pratique par leurs autorités de contrôle, reprise fidèle dans leur législation nationale ou reprise avec des contraintes supplémentaires (on parle de goldplatine) ce qui est possible, les règles fixées par le Comité de Bâle étant minimales. Le Comité se tient informé de ces mises en œuvre et, le cas échéant, souligne dans ses rapports d’éventuelles insuffisances.

Il est vrai aussi que la mise en œuvre de ces principes peut être plus ou moins rapide. L’exemple de l’Union européenne (UE) est particulièrement significatif. Les accords de « Bâle 1 », « Bâle 2 » et « Bâle 3 » ont très largement inspiré les directives et règlements adoptés par le Parlement européen et le Conseil  en matière de contrôle des établissements de crédit de l’UE. Or, ces textes européens ont généralement été préparés en même temps que se déroulaient les travaux du Comité de Bâle. Du fait de cette simultanéité,  les principes fixés à Bâle sont devenus très rapidement des règles contraignantes pour les établissements de crédit dans tous les Etats membres de l’UE. Il y a là une avance par rapport à des pays du monde moins rapides dans l’application de ces principes. Certains verront dans cette avance une disparité de traitement entre établissements, d’autres y verront un signe positif donné aux marchés sur la solidité des banques européennes.

 

Blanche Sousi avec Cyril Rolling
et l’équipe junior

 

Législation de l’UE en matière de services financiers – Appel à témoignages !

Législation de l’UE en matière de services financiers
Appel à témoignages !

Vous êtes surpris ? Je l’ai été aussi en apprenant que la Commission européenne avait lancé un tel appel.
On savait déjà que lorsqu’elle prépare une proposition de directive ou de règlement, la Commission procède à des consultations pour connaître le point de vue des citoyens sur son projet et, le cas échéant, le modifier au vu des réponses reçues.
Elle ouvre de telles consultations sur son site et plus précisément s’agissant de services financiers,  sur la page de la Direction générale Banque et Finance (DG Fisma).
On n’avait encore jamais vu un « appel à témoignages » (traduction officielle de l’original anglais Call for evidence) tel que lancé par la Commission le 30 septembre dernier à propos du cadre règlementaire applicable aux services financiers dans l’UE.  Certes, il s’agit toujours d’une  consultation mais dans une forme inédite qui mérite attention.

Inédite par son ampleur en ce qu’elle ne porte pas sur tel ou tel sujet précis, comme c’était jusqu’à présent le cas (révision de telle directive, proposition de telle autre, etc..), mais sur toute la législation de l’UE en matière de services financiers. Vaste programme.

Inédite par son objectif en ce qu’il ne s’agit pas simplement de recueillir des avis ou des points de vue, mais des réponses concrètes et des éléments d’informations empiriques sur cette législation. En un mot la Commission mène une enquête et pour ce faire, elle lance un appel à témoins.  Et ce qu’elle cherche est assez nouveau…
Elle souhaite notamment savoir si certaines règles issues de cette législation « peuvent avoir des effets indésirables sur la croissance », si certaines constituent des « charges règlementaires inutiles », comportent des lacunes, créent des incohérences ou des doubles emplois. Tout cela preuve à l’appui par des exemples concrets.  On imagine que certains  lecteurs vont immédiatement se mettre à l’ouvrage !
En effet, voilà une belle opportunité pour ceux qui s’élèvent contre le trop plein législatif européen, de porter témoignages des excès qu’ils ont constatés.
Voilà aussi une occasion pour ceux qui pensent que « Bruxelles » légifère sans prendre en compte les exigences de la pratique, d’apporter leur expérience de terrain.
Voilà surtout une invitation à participer à l’élaboration d’une stratégie pour une meilleure législation européenne.  
Comment résister à ces différentes raisons de témoigner ? D’autant que tout le monde peut le faire (individuellement ou par la voix d’une organisation) : qu’on soit professionnel ou non, enseignant, étudiant, citoyen, chacun a le droit de s’exprimer. Mais comment ?

Comment répondre et dans quelle langue ?
A noter d’abord que le lien ci-dessous permet d’accéder au « document de consultation ». Il est en français (il existe aussi en allemand et en anglais) et comporte 9 pages dont la lecture permet de comprendre la structure et le sens des questions posées par la Commission (sans obligation de répondre à toutes). Accéder au Document de consultation.
En revanche pour répondre, il faut ouvrir le lien indiqué dans ce document de consultation, ce qui donne accès au formulaire proprement dit à remplir obligatoirement en ligne. Ce formulaire est, certes, en anglais et n’existe qu’en anglais (sauf si votre logiciel permet une traduction), mais on peut rédiger ses réponses (selon les règles de la Commission pour toutes ses consultations) « dans  toutes les langues officielles de l’UE, sauf mention contraire dans les documents de consultation ».
Rien n’étant précisé à cet égard dans le document de consultation précité, il est donc possible de répondre en français.

Date limite : le 31 janvier 2016 (et non le 6 janvier comme initialement prévu).

Et après ? Les réponses seront publiées sur le site de la Commission « à l'exception de celles des participants qui s'y seront opposés dans le questionnaire en ligne ». Intéressante lecture en perspective pour tous.
La Commission tirera sans doute d’utiles enseignements de cette opération vérité aussi courageuse que vivifiante.

Blanche Sousi
et son équipe

Vous avez dit « Résolution bancaire » ?

Vous avez dit « Résolution bancaire » ?

Oui, vous avez bien entendu. Le conférencier a parlé de  « résolution bancaire » et outre le fait que la technique qu’il présente vous paraît très complexe (ce qui est indéniable), vous ne comprenez même pas le sens de l’expression qu’il utilise. Vous êtes perplexe : je l’ai été, moi aussi,  lorsque j’ai entendu et lu pour la première fois cette étrange juxtaposition de mots.

Car, en français courant, une résolution c’est avant tout une décision. Or, manifestement, il ne s’agit pas de cela en l’espèce. Résolution, c’est aussi le fait de résoudre un problème : là, il ne fait aucun doute que le conférencier évoque la résolution d’une situation de crise dans laquelle se  trouve une banque si elle rencontre des difficultés à poursuivre son activité et risque même d’être défaillante, c’est-à-dire de ne pas pouvoir faire face à ses propres échéances.

Vous venez de comprendre : « résolution bancaire » est un raccourci de langage pour désigner la « résolution de crises ou de défaillances bancaires ». Ce curieux raccourci est entré dans le jargon bruxellois et même dans les documents officiels, y compris français depuis la réforme bancaire de 2013: c’est dire que toute résistance serait vaine…

Ce premier obstacle franchi, celui de la compréhension des mots, on est confronté à la compréhension même du dispositif imaginé par le législateur européen. Certes, la matière est complexe, mais ce n’est pas une raison pour se résigner et ne pas savoir de quoi il s’agit, d’autant que tous les actionnaires, sociétaires, créanciers obligataires ou non et clients des banques européennes sont concernés, c’est-à-dire beaucoup d’entre nous….Tentons le décryptage.

Protocole de gestion ordonnée d’une défaillance bancaire
Pour résoudre la situation de crise ou de défaillance prévisible à court terme d’une banque, le législateur européen a procédé un peu comme en matière de santé publique.

Chacun sait que pour bien soigner une maladie, surtout lorsqu’elle est gravement contagieuse, il est important d’avoir mis au point à l’avance, le protocole à mettre en place si elle se  déclare : « voilà ce qu’il conviendra de faire dans telle ou telle situation ». Il est également important de dépister le plus tôt possible, les premiers signes du mal et appliquer ce protocole aussitôt. Enfin, si le rétablissement n’est pas possible, des mesures plus radicales sont prévues pour éviter la propagation du mal au-delà du patient malade.

Il en est de même pour l’état de santé de nos banques : pour chacune, il faut imaginer les difficultés qu’elle pourrait rencontrer face à certaines circonstances (pertes exceptionnelles, contexte économique défavorable, etc.) et mettre au point, à l’avance, un plan de nature à redresser sa situation ; il faut aussi imaginer, pour le cas où son redressement serait impossible, un plan de résolution afin que ses déposants, en particulier ceux dont le total des dépôts est inférieur à 100 000 €, et l’ensemble des contribuables n’en subissent pas les conséquences.

Et c’est ainsi que le législateur européen a adopté une Directive (le 15 mai 2014) et un Règlement (le 15 juillet 2014) fixant en quelque sorte l’ensemble du protocole d’une gestion ordonnée de la défaillance d’une banque. Quel est-il ? En bref  (que les initiés nous pardonnent l’extrême simplification qui va suivre) :

1 – Avant la défaillance
Pour chaque banque européenne,  deux types de plan doivent être établis : un plan préventif de redressement qui est élaboré par les responsables de la banque concernée et un  plan préventif de résolution qui est décidé par l’autorité de contrôle compétente.
Des tests doivent être menés régulièrement pour vérifier si ces plans restent toujours pertinents au fil des ans.

2 – Lors de la défaillance
Des remèdes parfois très radicaux sont possibles. Il s’agit d’éviter la contagion à l’ensemble du système bancaire,  de protéger les avoirs des clients – en tout cas des déposants -, mais aussi d’éviter le plus possible que les Etats (donc les contribuables) supportent la charge d’un soutien à une banque défaillante.

Parmi ces remèdes, le remplacement des dirigeants de la banque, la cession de certaines de ses activités,…mais aussi le renflouement interne (bail in). Selon la logique du bail in, ce sont d’abord les actionnaires ou les sociétaires puis, selon un certain ordre, les divers créanciers qui vont subir les conséquences financières de la situation de la banque défaillante : il peut être, par exemple, décidé de déprécier le capital, de réduire ou d’annuler des titres de capital , de transformer des créances sur la banque en titres de capital…

En revanche, les dépôts garantis (par le fonds de garantie des dépôts existant dans l’Etat de la banque concernée) sont bien évidemment protégés, mais pas les dépôts au-delà du plafond garanti.

A noter que le bail in se distingue du renflouement externe (bail out), lequel consiste notamment à faire appel à des aides publiques, ce que précisément on veut désormais éviter. Le bail in est donc décidé en premier et s’il ne suffit pas, le bail out doit alors être envisagé.

Il faut souligner que toutes ces mesures sont décidées par les autorités de résolution et non par les organes de la banque en cause. La décision de résolution elle-même ne peut être contestée devant les tribunaux qui ne peuvent être saisis que d’une contestation sur le montant de la perte subie par les divers créanciers et bien sûr les actionnaires ou sociétaires.

Quelles sont les banques concernées par cette gestion ordonnée de leurs éventuelles défaillances ? Elles le sont toutes.
En effet, l’ensemble du dispositif prévu par les textes européens s’applique aux banques ayant leur siège dans l’un des 28 Etats membres de l’Union européenne (et également dans les 3 pays composant avec ces 28, l’Espace économique européen : l’Islande, le Liechtenstein et la Norvège).

Cependant un régime particulier est prévu pour les banques ayant leur siège dans les Etats qui participent à l’Union bancaire (zone euro + tout Etat qui le souhaite) : l’autorité de résolution n’est pas l’autorité nationale de l’Etat  où elles ont leur siège, mais une nouvelle autorité européenne : le Conseil de résolution unique qui, avec le Fonds de résolution unique, s’inscrit dans le cadre du Mécanisme de résolution unique (MRU). On rappelle que le MRU constitue le 2ème volet de l’Union bancaire. Voir Banque-Notes Express L’Union bancaire, c’est quoi ?

On l’aura compris, « la résolution bancaire » est une réforme assez  révolutionnaire – les droits des créanciers sont largement et a priori brutalement mis à mal par une autorité qui n’est pas judiciaire… –  et d’une grande importance pour la sécurité du système bancaire et la protection des clients comme des contribuables. Préparée dès 2010 par la Commission européenne (et largement portée par le Commissaire Michel Barnier) en réponse à la crise financière de 2007-2008,  cette réforme se met actuellement en place. Elle porte en elle de nombreux atouts pour enrayer les conséquences nocives de ce mal que constitue toujours la défaillance effective d’une banque, et pour sauvegarder ce bien collectif précieux qu’est la confiance de tous dans notre système bancaire européen.

 

                     Blanche Sousi et son équipe

Grèce : tout ça pour ça ?

  Grèce : tout ça pour ça ?
 

Nous nous décidons enfin à reprendre la plume. En ce matin du 13 juillet, les 19 chefs d’Etat et de gouvernement de la zone euro sont parvenus à un accord sur la crise grecque.

Cela faisait des semaines que le dossier occupait le devant de la scène européenne et la « une » de différents supports médiatiques. Il aurait peut-être été logique de prendre notre rang pour tenter de faire comprendre ce qui se passait : quelques lecteurs nous l’ont demandé. Cependant, devant le flot incessant de dossiers (souvent très clairs) publiés dans la presse, d’opinions de responsables politiques, et de pronostics  d’éminents experts, il nous a paru plus sage d’attendre le dénouement (provisoire ?) de cette crise. Car en toute franchise, il n’y avait pas grand-chose à comprendre, sinon que chacun jouait son rôle.

Voici donc le  texte intégral de l'accord du 12-13 juill. 2015 : il suffit de le lire pour en saisir l’essentiel.
L’avenir dira ce qu’il en adviendra.

Certains commentateurs qui ont suivi les négociations pas à pas, feront remarquer qu’on est revenu à la case départ quant aux exigences des créanciers à l’égard de la Grèce (voire à plus d’exigences).
Alors : « Tout ça pour ça » ?
Oui…mais il fallait que chacun puisse jouer son rôle, ce que chacun a fait (même si, parfois, c'était d’une façon un peu déroutante).

On nous annonçait le chaos, la dislocation, la fin de l’euro…c’était sans compter sur la force des différents traités européens et des institutions (Commission, Conseil, Parlement, mais aussi BCE).
On nous annonçait la fin de l’Europe : c’est peut-être vers davantage d’Europe que nous allons…. si chacun veut bien tirer les leçons de cette crise.
Quoi qu'il en soit, le maintien de l'Europe monétaire ne se fera pas durablement à coup de milliards, mais d'abord par la capacité des Etats membres à maîtriser leurs budgets et respecter leurs engagements. Et cela concerne tous les Etats.

                                                                                                    Blanche Sousi
                                                                                                     et son équipe

 

 

 

Politique monétaire de la BCE – Programmes OMT et QE 2015

Politique monétaire de la BCE

Les programmes « OMT » et « QE 2015 » : quelle différence ?

Le 9 mars 2015, la Banque centrale européenne a commencé à exécuter son programme d’assouplissement quantitatif (en anglais QE pour Quantitatif Easing), annoncé le 22 janvier 2015, et qui est également appelé programme d’achats de titres du secteur public (en anglais Public Sector Purchase Programme– PSPP).

Or, en septembre 2012, elle avait annoncé un programme OMT (opérations monétaires sur titres ou en anglais Outright Monetary Transactions) qui lui n’a jamais été mis en œuvre, le seul fait que Mario Draghi, président de la BCE, ait indiqué que son ampleur serait « sans limite » ayant suffi à atteindre momentanément son objectif. L’OMT n’en reste pas moins dans l’actualité car la Cour de justice de l’Union européenne doit statuer prochainement sur sa compatibilité avec les traités européens (et plus précisément sur la question des compétences de la BCE).

Tout cela est très technique, mais n’interdit pas de comprendre, notamment ce qui distingue ou rapproche les deux programmes. Essayons… en simplifiant beaucoup. 

Attention à la terminologie
Il convient d’abord de ne pas se focaliser sur le vocabulaire utilisé car dans les deux cas, il s’agit de ce qu’on appelle généralement un assouplissement quantitatif (QE), en ce sens qu’il y a une injection importante de liquidités opérée par une banque centrale. L’OMT est donc un programme de QE même s’il n’en porte pas le nom.

Ce qui est identique dans les deux programmes
Dans les deux cas :
–  l’injection de liquidités doit se faire par l’achat de titres essentiellement souverains (obligations d’Etats) sur le marché secondaire (donc à des investisseurs qui les détiennent déjà) et non pas sur le marché primaire (directement aux Etats car cela est interdit par l’article 123 du Traité sur le fonctionnement de l’UE) ;
et
– il s’agit de mesures de politique monétaire dites « non conventionnelles », par opposition aux mesures de politique monétaire traditionnelles, dites « conventionnelles » (fixation des taux directeurs des opérations de refinancement et opérations d'open market) (sur ces instruments traditionnels voir site Banque de France).

Quelle différence alors entre ces deux programmes ?
Ils diffèrent dans leur objectif et leur mécanisme.
 L’OMT, annoncé en 2012, visait la stabilité financière au profit des Etats de la zone euro ayant des difficultés à se refinancer et qui étaient soumis à un plan d’assistance financière du Fonds européen de stabilité financière (FESF) ou du Mécanisme européen de stabilité (MES). Les achats de titres de ces Etats par la BCE devaient être conditionnés par le respect de ces plans et devaient cesser avec ces plans. Par ailleurs, la BCE s’était engagée à annuler les conséquences monétaires de ses achats en stérilisant, par des reprises de liquidités, le montant des sommes qu’elle aurait ainsi injectées.
Certains particuliers allemands (responsables politiques, professeurs,…) ayant contesté la légalité de ce programme, un recours a été formé devant la Cour de justice de l’Union européenne. Selon l’avocat général qui a rendu ses conclusions le 14 janvier 2015, le programme OMT est en principe compatible avec les traités européens. L’arrêt de la CJUE  est attendu (mais sans grand suspense compte tenu de l’avis de l’avocat général).

Le programme QE 2015 a un objectif strictement monétaire : il vise à ramener l’inflation vers les 2%.
Il y a là encore injection massive de liquidités par des achats de titres, mais tous les Etats de la zone euro sont concernés. Le programme présente une originalité en ce que le risque n’est pas totalement supporté par la BCE (il n’est donc pas totalement mutualisé) : une partie des achats de titres est effectuée directement par chaque Banque centrale nationale concernée, laquelle en supporte ainsi le risque (par exemple la Banque de France achète, toujours sur le marché secondaire, les obligations de l’Etat français, la Banque d’Italie celles de l’Etat italien, etc.). Mais la décision est prise par la BCE (sur les relations BCE/Banques centrales nationales, voir Banque-Notes juillet 2013 et notamment l'Entretien avec Christian Noyer).

Le programme, annoncé le 22 janvier 2015, a donc débuté le 9 mars 2015 et doit se dérouler à raison de 60 milliards d’achats de titres par mois, jusqu’en septembre 2016. A suivre.

Pour les amateurs de précisions techniques, voir en français sur le site de la Banque de France, le Communiqué de presse de la BCE.

 

Blanche Sousi
et son équipe