Non, l’euro n’a pas 20 ans ! Il en a 23.

Banque-Notes Express du 6 janvier 2022
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Non, l’euro n’a pas 20 ans ! Il en a 23.

Blanche Sousi
Professeur émérite de l’Université Lyon 3
Chaire Jean Monnet ad personam de droit bancaire et monétaire européen

Peu avant la fin de l’année 2021, j’avais noté que certains journaux titraient qu’au 1er janvier 2022 l’euro aurait 20 ans… C’est faux. Il est né le 1er janvier 1999 et non le 1er janvier 2002. On l’expliquera plus loin.

Ces titres inexacts m’avaient contrariée car ils compliquent inutilement la compréhension de la construction de l’Union européenne, déjà si difficile à appréhender pour la plupart des citoyens européens : j’imagine la perplexité de ceux qui, à la seule lecture de ces titres, se souviennent que le 1er janvier 2019, les 20 ans de l’euro avaient très largement fait la Une de la presse européenne et internationale. Les différentes étapes de sa naissance avaient été retracées, les témoignages de certains de ses « pères »  avaient été publiés et son anniversaire avait été salué par tous les responsables politiques européens. Bref, il avait été rappelé au monde entier que l’euro était né le 1er janvier 1999 et qu’il avait donc 20 ans au 1er janvier 2019. Voir notre BNE du 4 janvier 2019, « On n’a pas tous les jours 20 ans ».

Et voilà que trois ans plus tard, la presse annonce à nouveau que l’euro a 20 ans… Déroutant.

Certes, si on lit les articles de presse en cause sans s’arrêter à leur titre, accrocheur mais trompeur, on comprend que les 20 ans dont il s’agit, concernent uniquement l’euro fiduciaire c’est-à-dire, les pièces et les billets dont la mise en circulation s’est faite le 1er janvier 2002 : il y a donc bien 20 ans. A cette date, l’euro est devenu visible et palpable ; mais ce que la presse généraliste ne rappelle pas aujourd’hui, et c’est dommage, c’est que l’euro existait sous forme scripturale depuis le 1er janvier 1999. C’est sa véritable date de naissance.

Ainsi entre le 1er janvier 1999 et le 1er janvier 2002, l’euro existait, mais on ne le voyait pas. Durant cette période dite transitoire, nous avions toujours notre ancienne monnaie nationale pour payer en « cash », mais il nous était possible de payer par chèque ou virement libellés en euro : il n’y avait ni obligation, ni interdiction, selon le principe du « ni-ni ». Cela était d’autant plus facile que les taux de conversion irrévocables entre l’euro et chacune des anciennes monnaies nationales des Etats ayant adopté l’euro avaient été définitivement fixés par le Règlement du 31 décembre 1998, de même que les règles de conversion et d’arrondi avaient été prévues par le Règlement du 17 juin 1997.

Toutefois, même si l’on avait libellé nos chèques ou virements en francs, les professionnels du secteur bancaire et financier s’en souviennent sans doute, toutes les écritures étaient passées en euro dans la comptabilité des banques. C’est le choix qui avait été fait, comme dans les grandes entreprises et les institutions publiques. Voir le Règlement du Conseil du 3 mai 1998.

Pourquoi avoir prévu une telle période transitoire ? La réponse n’a rien de politique : il fallait tout simplement laisser le temps nécessaire à la fabrication des pièces et des billets en nombre suffisant pour remplacer les anciennes monnaies dans tous les Etats ayant adopté l’euro. Cette durée de trois ans avait été considérée comme souhaitable  pour que tout soit prêt le 1er janvier 2002 : après coup, certains l’ont trouvée un peu trop longue. On avait été prudent et l’apparition de l’euro s’est faite au jour J : dès le matin du 1er janvier 2002 les distributeurs automatiques ne nous délivraient que des billets en euro.

Le 1er janvier dernier, avec son message de vœux, le Gouverneur de la Banque de France, François Villeroy de Galhau a rappelé très justement, que l’euro fiduciaire avait 20 ans.

En revanche, le même jour, dans un communiqué, le Président du Conseil européen, Charles Michel, faisait une déclaration titrée « à l’occasion du 20ème anniversaire de l’euro »… La presse généraliste n’est pas la seule à être imprécise. Contrariant.

Comme le dit la chanson,
« On n’a pas tous les jours vingt ans,
ça n’arrive qu’une fois seulement »…

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