Union européenne : fin d’un double suspense, mais le film continue
Ainsi donc, au pays d’Hitchcock, nos amis britanniques veulent vraiment quitter l’Union européenne (UE) : par leur vote explicite du 12 décembre lors des élections législatives, ils viennent de confirmer ce qu’ils avaient déjà dit le 23 juin 2016 mais que certains espéraient pouvoir remettre en cause.
Fin de ce long suspense qui a beaucoup gêné nombre d’entreprises et de particuliers.
Cette fois, cela semble certain, le Royaume-Uni (RU) se détachera du continent européen le 31 janvier 2020, mais il faudra nouer avec lui d’autres amarres, sous forme d’accords dans une multitude de domaines. Cela prendra du temps. Un travail considérable attend les équipes de négociateurs, notamment celle de Michel Barnier négociateur infatigable, qui vient à nouveau d’être nommé pour conduire au nom de l’UE les négociations sur les relations futures avec le Royaume-Uni. Négociations, que le Conseil européen dans sa formation article 50 (les 27 chefs d’Etat et de gouvernement) a, dès sa réunion du 13 décembre affirmé qu’il les suivra de près.
Nous les suivrons aussi…
Fin d’un autre suspense certes plus court et n’ayant pas eu le même impact, mais très important pour le fonctionnement des institutions européennes : celui du renouvellement de la Commission européenne.
Peut-être vous souvenez-vous que notre Banque-Notes Express du 3 juillet dernier était titré « Le Carré d’as du Conseil européen…largement dans la main du Parlement européen ». Cela n’était pas exagéré. Le renouvellement de la Commission européenne en a été la meilleure illustration : la partie s’est jouée en 5 mois, de début juillet à fin novembre 2019. Voilà brièvement comment.
On rappelle que le 2 juillet, le Conseil européen (les chefs d’Etat et de gouvernement) avait décidé de proposer le nom d’Ursula von der Leyen pour succéder à Jean-Claude Juncker à la présidence de la Commission dont le mandat prenait fin le 31 octobre 2019. Le Parlement européen avait espéré qu’un des députés chef d’un parti largement représenté dans l’Hémicycle, serait proposé par le Conseil européen et non une personnalité non élue. Ce ne fut pas le cas.
La procédure prévue par l’article 17 paragraphe 7 du Traité sur l’Union européenne, ne faisait que commencer. A chaque étape, le Parlement européen (PE) n’a pas manqué d’exercer tout son pouvoir et de laisser entendre qu’il était, finalement, maître du jeu.
D’abord, le 16 juillet lors de l’élection de la candidate présentée par le Conseil européen, une très courte majorité s’est dégagée en sa faveur : il lui fallait obtenir la majorité absolue des membres composant le PE, soit 374 voix. Elle en a obtenu 383.
Puis, à l'automne lors des auditions des commissaires que la Présidente, désormais élue, proposait pour composer la Commission à ses côtés, certains candidat(e)s ont été mis en échec : la presse a en largement rendu compte.
Les séances d’auditions, souvent redoutables, ont été retransmises en direct sur le site du PE et on a pu remarquer combien les questions posées par les députés étaient (im)pertinentes, techniques, précises. Chaque candidat, « commissaire désigné » a dû prendre des engagements lors de ce qui a souvent été de véritables interrogatoires. Paroles, paroles…dites-vous ? Et bien pas seulement …le Parlement européen vient de publier un document (PE 629.837–novembre 2019) reprenant « les principaux engagements pris par chacun des commissaires désignés lors de leurs auditions respectives ». Un document à consulter aujourd’hui pour mieux connaître les promesses de ces commissaires composant désormais avec leur présidente le collège de la nouvelle Commission, mais aussi un document qui plus tard pourra faire foi…
La procédure de renouvellement de la Commission s’est terminée le 27 novembre par un vote d’approbation du Parlement européen pour la toute nouvelle équipe : cette fois une très large majorité (461 voix pour) a été obtenue après un discours programme remarqué d’Ursula von der Leyen.
Avec un mois de retard sur le calendrier, le 1er décembre, la Commission von der Leyen (déjà dite Commission vdL), est entrée en fonction et aussitôt, elle s'est mise au travail (voir son site).
Mais, direz-vous, qu'en est-il du commissaire britannique de cette équipe ? La question ne se pose pas car Boris Johnson misant farouchement sur une proche sortie du RU, avait décidé de ne proposer personne. La Commission comprend donc 27 membres : il nous faudra nous familiariser avec leurs noms et attributions.
On souligne au passage que ce sera chose facile pour ceux qui, comme nous, s’intéressent aux services financiers : « notre commissaire » reste Valdis Dombrovskis, également vice-président exécutif de la Commission dont le portefeuille de coordination est intitulé « Une économie au service des personnes ». La Direction générale FISMA (Stabilité financière, services financiers et union des marchés de capitaux) lui est toujours rattachée avec des compétences élargies notamment à la lutte contre le blanchiment des capitaux.
S’agissant donc de la Commission, le Brexit n’aura pas d’incidence sur sa composition.
En revanche, les députés britanniques élus au Parlement européen en mai dernier libèreront leurs sièges à compter du jour où le Brexit sera juridiquement effectif (en principe le 31 janvier 2020). Nous avons déjà évoqué ce qui adviendra de ces sièges: voir Banque-notes Express du 20 mai 2019. La France, par exemple, disposera de 5 sièges supplémentaires, de quoi satisfaire les 5 députés français élus en mai dernier mais encore dans les starting blocks et qui attendaient que le Brexit leur ouvre les portes du Parlement européen. Pour eux, d’une certaine manière, c’est aussi la fin d’un suspense.
Blanche Sousi et son équipe