L’Union européenne : l’heure du lifting.
Le 25 mars 1957, était signé le Traité de Rome, texte fondateur de ce qui, aujourd’hui, est l’Union européenne (UE). Il y a 60 ans. Nous étions six Etats membres et tout était facile entre nous (outre le fait que tous parlaient français !). Depuis, le cercle s’est agrandi et très vite, dès l’entrée du Royaume-Uni en 1973, tout est devenu plus compliqué. Pour ne parler que du domaine bancaire, monétaire et financier, l’un des premiers signes fut sans doute la première directive bancaire : le projet ambitieux qui avait été préparé à six, a dû être très édulcoré car, entre sa préparation et son adoption, nos amis anglais étaient entrés à la table des négociations … La première directive fut donc un texte timide mais un premier (petit) pas, tout de même, vers l’harmonisation des conditions d’agrément et de contrôle des établissements de crédit.
Un peu plus tard, en novembre 1979, à Dublin, lors du sommet des chefs d’Etat et de gouvernement, Margaret Thatcher contesta le montant de la contribution britannique au budget européen et, dans une formule devenue célèbre, déclara : I want my money back. Elle venait d’ouvrir une crise majeure qui ne s’acheva qu’en juin 1984 (de guerre lasse selon certains témoins de l’époque) ; le RU obtint une compensation substantielle.
Plus tard encore, lorsqu’il fut question de monnaie unique et de négocier ce qui deviendra en 1992 le Traité de Maastricht, douze Etats étaient désormais autour de la table : tous acceptèrent l’objectif de réaliser entre eux une union monétaire sauf un, le Royaume-Uni, auquel il fallut concéder une situation particulière (et complexe) prévue dans un protocole (aujourd’hui n°15 annexé au Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne).
Certes, d’autres Etats n’ont pas encore adopté l’euro parce qu’ils n’en remplissent pas toutes les conditions : en attendant, conformément aux traités, ils bénéficient d’une dérogation, comme d’ailleurs le Danemark qui avait obtenu de n’adopter la monnaie unique qu’après un référendum l’y autorisant (ce fut non).
Tout cela explique qu’il y a au sein de l’UE un cercle plus restreint, celui de la zone euro (19 Etats actuellement), avec les conséquences institutionnelles qui en résultent (les compétences de la Banque centrale européenne (BCE), notamment).
L’euro n’en est pas moins devenu une réalité, y compris dans les Etats qui ne l’ont pas officiellement adopté : quiconque voyage en Europe sait bien qu’on peut l’utiliser quasiment partout. Qui se souvient du temps où il fallait changer nos francs pour des lires, des francs belges, des pesetas, etc. ? Qui se souvient du temps où les entreprises devaient se couvrir des risques de change lors des relations commerciales avec nos voisins, ce qui inévitablement entraînait des coûts répercutés sur les consommateurs ?
La BCE est désormais installée dans le paysage mondial et joue un rôle de premier plan non seulement en matière de politique monétaire mais également, depuis novembre 2014, en matière de surveillance bancaire : le mécanisme de surveillance unique, placé sous son égide, assure le contrôle des plus importants groupes bancaires européens de la zone euro et vise à préserver une stabilité dans toute l’Europe et au-delà.
Bien sûr, beaucoup reste à faire même si l’UE a surmonté de nombreuses crises.
Elle en affronte actuellement de très sérieuses. On les connait mais la plus redoutable, parce qu’insidieuse, est certainement l’attaque qu’elle subit de la part de ceux qui en font le bouc émissaire de nos problèmes de chômage, de précarité et de croissance.
Contre toute attente, le choix du Royaume-Uni avec son Brexit, semble avoir l’effet d’un électrochoc pour l’avenir de l’UE. Partout, de nombreuses propositions fleurissent en vue de la réunion des 27 chefs d’Etat et de gouvernement prévue ce 25 mars à Rome.
C’est ainsi que, lors de sa session plénière du 16 février 2017, le Parlement européen a adopté (sous forme de résolutions) trois rapports proposant de réformer profondément l’UE :
– celui de Pervenche Berès (socialiste-démocrate française) et Reimer Böge (démocrate-chrétien allemand) sur La capacité budgétaire de la zone euro.Voir le Rapport P.Berès et R.Böge ;
– celui de Guy Verhofstadt (libéral belge) sur Les évolutions et ajustements possibles de la structure actuelle de l’UE. Voir le Rapport G.Verhofstadt ;
– celui de Mercedes Bresso (socialiste-démocrate italienne) et Elmar Brok (démocrate-chrétien allemand) sur L’amélioration du fonctionnement de l’UE en mettant à profit le potentiel du traité de Lisbonne. Voir le Rapport M. Bresso et E. Brok.
De son côté, au nom de la Commission européenne, le président Jean-Claude Juncker a présenté au Parlement européen, lors de sa session plénière du 1er mars 2017, Le livre blanc sur l’avenir de l’UE contenant en annexe les 5 voies possibles. Voir le Livre blanc sur avenir de l'Europe, voir l'annexe, voir le Communiqué de presse.
Ces propositions sont autant de contributions qui serviront de base aux discussions des 27 chefs d’Etat et de gouvernement réunis à Rome, en ce 25 mars.
Que vont-ils en faire ? Ces responsables politiques sauront-ils éviter de nous livrer des déclarations d’intention et des promesses sans lendemain et auront-ils, au contraire, la sagesse de prendre des décisions responsables de nature à redonner à l’UE toute sa vitalité et sa force de séduction ?
Pour ses 60 ans, c’est ce que nous lui souhaitons.
Blanche Sousi
et son équipe