Les « stress tests » : un sujet pour les spécialistes ? Non, pour tous les clients des banques

Les « stress tests » : un sujet pour spécialistes ?
Non, pour tous les clients des banques

Dimanche 26 octobre dernier, les résultats du bilan de santé complet des banques européennes occupent largement l’actualité : communiqués, interviews et commentaires s’enchaînent dans la presse sous toutes ses formes. On entend beaucoup parler de « stress tests » (tests de résistance), mais il s’agit d’un raccourci de langage souvent employé pour désigner la vaste opération qui vient d’être menée et dont ils ne sont qu’un élément. C’est qu’un an auparavant, en novembre 2013, la Banque centrale européenne (BCE) avait entrepris de procéder à un check up très sérieux des plus grosses banques de la zone euro et les résultats de cette évaluation complète sont enfin rendus publics (voir le résumé en français du rapport de la BCE et le rapport complet en anglais) et présentés officiellement par les autorités compétentes (voir le Discours de Christian Noyer, Gouverneur de la Banque de France).

Certains communiqués de presse évoquent la bonne santé des banques françaises (communiqué de l’ACPR et celui de la FBF), alors que plusieurs journaux ont préféré titrer sur l’échec de 25 banques européennes (la lecture attentive des articles concernés permet de nuancer ces titres un peu alarmistes).

Les spécialistes connaissent l’enjeu de l’exercice qui vient de se jouer à Francfort, mais tous les clients des banques  n’ont sans doute pas perçu que cette revue de détail était le préalable nécessaire au profond changement (véritable révolution) qui s’opère précisément aujourd’hui, 4 novembre 2014, et qui nous concerne tous. Explications.

Quelle révolution ?
Ce 4 novembre 2014, marque la naissance effective du Mécanisme de surveillance unique, premier pilier de  l’Union bancaire (L’Union bancaire, c’est quoi ?). On rappelle qu’il s’agit de transférer au niveau européen la responsabilité et une partie des compétences en matière de contrôle des banques européennes opérant dans la zone euro, compétences qui, jusqu’à présent, relevaient totalement des autorités nationales de chaque Etat. Il y a là un transfert de compétences vers le niveau européen aussi important que celui qui s’est produit en matière de politique monétaire lors de l’adoption de l’euro le 1er janvier 1999.

C’est donc une nouvelle étape vers le fédéralisme qui est franchie aujourd’hui, et cette évaluation complète des bilans bancaires en a été le prélude.
En effet, un peu comme le sage qui, avant de prendre les commandes d’un gros navire, veut en avoir une bonne connaissance et tester la capacité de ce vaisseau à affronter de fortes tempêtes et à y résister, la BCE a voulu avoir une vision exacte de l’état des banques qu’elle aura à contrôler et tester leur capacité à survivre à des crises sévères. L’exercice de grande ampleur (on trouvera chiffres et précisions dans les documents précités) a donc été mené entre novembre 2013 et octobre 2014, par la BCE, notamment son Conseil de surveillance prudentielle dirigé de main de maître par sa présidente Danièle Nouy, et l’ensemble des autorités nationales compétentes.

L’exercice global a été conduit en deux temps :
1er temps : l’évaluation de l’actif du bilan des banques  – L’analyse a porté sur la qualité des actifs : telles créances que la banque détient sur tels et tels débiteurs (y compris sur des Etats) présentent-elles un risque de ne pas lui être remboursées et si oui, dans quelle mesure ? Telles positions que la banque a prises sur les marchés financiers présentent-elles un risque de perte pour la banque et si oui, dans quelle mesure ? Etc. Ainsi la valeur comptable de chaque catégorie d’actifs au regard des risques encourus (on parle d’actifs pondérés) a été vérifiée et corrigée si besoin (dans le souci d’appliquer à toutes les banques des méthodes de calcul homogènes). Examen d’une ampleur sans précédent de mémoire de contrôleur bancaire et de banquier (comme on l’entend souvent depuis un an). Après cette évaluation précise des actifs, il a fallu vérifier que la banque concernée disposait bien de fonds propres suffisants pour que sa solvabilité ne soit pas en péril : pour cela, comme l’exigent les textes européens, ses fonds propres devaient atteindre un montant d’au moins 8% du total de ses actifs pondérés.

2ème temps : les tests de résistance – Il s’agissait d’observer quelle serait la résistance des banques face à différentes situations de crise (récession, forte hausse du chômage, chute de l’immobilier, etc.). Des scénarios hypothétiques ont été imaginés et leur impact sur le niveau de fonds propres de chacune des banques concernées a été calculé. Dans le scénario le plus sévère, il fallait, pour réussir le test, que les fonds propres restent au moins à 5,5% du total des actifs pondérés.

Sur les 130 banques soumises aux tests de résistance, 25 risquaient d'échouer : certaines ont pu lever, en temps utile, les fonds propres qui leur manquaient et satisfaire ainsi à ces tests. Quant aux 8 qui n'ont pas réussi, elles disposent maintenant d’un délai (entre 6 et 9 mois) pour apurer leur situation. Si certaines n’y parvenaient pas, la question de leur avenir serait alors posée.

Et maintenant ?
A compter de ce 4 novembre 2014, la BCE prend, en connaissance de cause, le contrôle des banques de la zone euro. Sa méthodologie va sans doute s’affiner car ses équipes ont probablement déjà tiré quelques enseignements de cette vaste opération vérité et perçu, il faut l’imaginer, des voies d’amélioration des outils de contrôle.
Oui, nous assistons à un profond changement au profit de tous ceux qui, de près ou de loin, ont intérêt à ce que leurs banques soient solides. Désormais la BCE y veille.

                                                                                                      Blanche Sousi
                                                                                                      et son équipe