Mais enfin, qui choisira le prochain président de la Commission européenne ? La réponse est dans le Traité.

Mais enfin, qui choisira le prochain président de la Commission européenne ?
La réponse est dans le Traité.

Lorsque le 25 mai au soir, nous avons vu sur nos écrans, se dessiner la répartition des sièges du nouveau Parlement européen, beaucoup de citoyens ont attendu que se dessine aussi le visage du prochain président de la Commission européenne. En vain…depuis ils attendent toujours. Ils ne comprennent pas ce qui se passe et l’expriment souvent ainsi :
« J’avais compris que ce poste reviendrait au « leader » qui avait mené les listes du parti politique qui obtiendrait le plus de sièges, donc à Jean-Claude Junker, représentant le Parti populaire européen majoritaire dans le nouveau Parlement européen….Or j’entends, aujourd’hui, que certains chefs d’Etat ou de gouvernement s’y opposent ».
Ou encore :
« Je pensais que dans tous les cas, ce serait l’un des 5 « leaders » respectivement désignés par chaque parti politique européen avant les élections : Martin Schulz pour le Parti socialiste européen, Jean-Claude Junker pour le Parti populaire européen, Guy Verhofstadt pour les libéraux, Franziska Keller pour les Verts, Alexis Tsipras pour la gauche radicale…. Or je lis, maintenant, que d’autres noms sont proposés par les chefs d’Etats ou de gouvernement ».

Alors ?  Tout cela est-il conforme aux nouvelles règles fixées par le Traité ?
Oui, ces règles (applicables pour la première fois) sont fixées à l’article 17.7 TUE (traité sur l’Union européenne) ainsi rédigé :
« En tenant compte des élections au Parlement européen, et après avoir procédé aux consultations appropriées, le Conseil européen, statuant à la majorité qualifiée, propose au Parlement européen un candidat à la fonction de président de la Commission (…)».
La procédure comprend donc plusieurs étapes.

La 1ère étape a commencé le soir des élections et nous la vivons maintenant en direct à travers les petites phrases ou déclarations relayées par la presse. Le Conseil européen (donc les 28 chefs d’Etat et de gouvernement) doit choisir son candidat, ce qui (en principe) sera fait lors de sa réunion des 26 et 27 juin.

Mais le texte indique que le Conseil doit faire ce choix « en tenant compte des élections au Parlement européen ».
Cela signifie-t-il que le Conseil devra choisir le candidat désigné avant les élections par le parti ayant obtenu le plus de sièges au Parlement européen (donc en l’espèce Jean-Claude Junker) ? Pas nécessairement, d’abord parce que le traité ne l’impose pas, mais surtout parce que le Conseil doit voter, ce qui évidemment supprime toute automaticité à ce choix. A noter que le Conseil devra statuer à la majorité qualifiée, c’est-à-dire selon un système de voix pondérées en fonction du poids démographique respectif des différents Etats (voir les pondérations actuellement en vigueur).
Il n’est donc pas contraire à l’article 17.7 TUE que certains chefs d’Etat ou de gouvernement indiquent qu’ils ne sont pas favorables à ce candidat, la plupart d’entre eux justifiant leur réticence précisément par les résultats des élections au Parlement européen dont ils « veulent tenir compte ».
On ne peut, en effet, ignorer que le « parti » arrivé en tête au soir du 25 mai, est celui des abstentionnistes, que les partis eurosceptiques ont connu une réelle progression et que même au sein des partis traditionnels, des voix se font entendre pour une Europe plus sociale.
Les chefs d’Etat et de gouvernement devront donc tenir compte de l’ensemble de ces résultats (y compris l’arrivée en tête de Jean-Claude Junker), lorsqu’ils feront le choix du candidat qu’ils proposeront au vote du Parlement européen pour succéder à José Manuel Barroso (dont le mandat à la Présidence de la Commission prend fin le 31 octobre 2014).

La 2ème étape sera donc celle du vote du Parlement européen (dans sa nouvelle composition) sur le candidat ainsi proposé par le Conseil européen. Or, ce candidat ne sera élu président de la Commission européenne que s’il obtient la majorité des membres composant le Parlement, soit 376 sur les 751 députés.
Et si cette majorité n’est pas atteinte ? Ce sera la preuve que le Conseil aura mal apprécié les forces en présence, mais le Traité a prévu l’hypothèse. Le Conseil disposera alors d’un mois pour proposer un autre candidat qui a son tour sera soumis au vote du Parlement et qui, là encore, ne sera élu que s’il obtient au moins 376 voix (article 17.7 TUE). Même si une « telle session de rattrapage » est juridiquement possible, il est probable que les chefs d’Etat et de gouvernement veilleront avant de proposer leur premier candidat, à ce que celui-ci soit assuré de recueillir la majorité requise au Parlement.

En bref, si l’on y réfléchit bien, les clefs sont aux mains du  Parlement européen et donc des citoyens européens qui l’ont élu en mai.

L’homme ou la femme qui conduira la prochaine Commission européenne tiendra donc sa légitimité des peuples de l’Union européenne, et cela pour la première fois.

Blanche Sousi

 

Pondération des voix des 28 Etats lors d’un vote au Conseil à la majorité qualifiée

Pondération des voix des 28 Etats membres
pour les délibérations du Conseil qui requièrent une majorité qualifiée

(régime en vigueur jusqu'au 31 octobre 2014 mais
encore applicable,au cas par cas, jusqu'au 31 mars 2017 sur demande d'un Etat membre)

Article 3,  paragraphe 3 du Protocole sur les dispositions transitoires, annexé au traité sur l’Union européenne et au traité sur le fonctionnement de l’Union européenne.


Jusqu'au 31 octobre 2014, les dispositions suivantes sont en vigueur, sans préjudice de l'article 235, paragraphe 1, deuxième alinéa, du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne.
Pour les délibérations du Conseil européen et du Conseil qui requièrent une majorité qualifiée, les voix des membres sont affectées de la pondération suivante :

Belgique

12

Bulgarie

10

République tchèque

12

Danemark

7

Allemagne

29

Estonie

4

Irlande

7

Grèce

12

Espagne

27

France

29

Croatie

7

Italie

29

Chypre

4

Lettonie

4

Lituanie

7

Luxembourg

4

Hongrie

12

Malte

3

Pays-Bas

13

Autriche

10

Pologne

27

Portugal

12

Roumanie

14

Slovénie

4

Slovaquie

7

Finlande

7

Suède

10

Royaume-Uni

29

Les délibérations sont acquises si elles ont recueilli au moins 260 voix exprimant le vote favorable de la majorité des membres, lorsque, en vertu des traités, elles doivent être prises sur proposition de la Commission. Dans les autres cas, les délibérations sont acquises si elles ont recueilli au moins 260 voix exprimant le vote favorable d'au moins deux tiers des membres.
Un membre du Conseil européen ou du Conseil peut demander que, lorsqu'un acte est adopté par le Conseil européen ou par le Conseil à la majorité qualifiée, il soit vérifié que les États membres constituant cette majorité qualifiée représentent au moins 62 % de la population totale de l'Union. S'il s'avère que cette condition n'est pas remplie, l'acte en cause n'est pas adopté.