Alstom-Siemens : la Commission européenne interdit leur mariage

Alstom-Siemens : la Commission européenne interdit leur mariage.

« Mais de quoi la Commission européenne se mêle-t-elle ? ». J’ai entendu cela lors d’une récente réunion amicale où nous discutions de l’actualité européenne et en particulier de l’interdiction du mariage Alstom-Siemens. « La Commission se mêle de ce qui la regarde et cela depuis 30 ans !» ai-je répondu en m’efforçant de rester calme, mais tout en faisant remarquer, une fois de plus, combien les règles européennes sont mal comprises, sinon mal connues, ou mal acceptées.

Oui, le 6 février dernier, la Commission européenne a décidé, en vertu du Règlement Concentrations du 20 janv.2004 relatif au contrôle des concentrations entre entreprises, d’interdire le rachat de l’entreprise française Alstom par l’entreprise allemande Siemens (voir le Communiqué de presse de la Commission) estimant que « cela aurait porté atteinte à la concurrence sur les marchés des systèmes de signalisation ferroviaire et des trains à très grande vitesse ».  

La Commission (et plus précisément la Direction générale Concurrence) tient ce pouvoir de contrôle depuis un premier Règlement européen de 1989, refondu en 2004, et elle l’exerce sous le contrôle de la Cour de justice de l’Union européenne : les décisions de la Commission peuvent ainsi faire l’objet d’un recours en annulation.
Dans le cas présent, il ne semble pas que cela soit envisagé. Les deux entreprises concernées, qui avaient défendu leur projet pendant des mois en pensant pouvoir obtenir un feu vert ont, dès l’annonce de l’interdiction, exprimé leur regret et pris acte que l’opération ne pourrait se faire. 

Si la décision de la Commission a rassuré leurs concurrents et certains syndicats ou organisations qui redoutaient des licenciements et des hausses de prix pour les consommateurs, elle a en revanche suscité beaucoup de critiques.

En effet, à Paris comme à Berlin, tous ceux qui avaient souhaité, porté ou soutenu cette alliance ont exprimé leur mécontentement, ils l’ont écrit et dit haut et fort : « c’est une erreur économique et politique ! », « il nous faut des champions européens industriels face à certaines entreprises mondiales ! », « la réglementation européenne doit être changée !», « les règles en matière de concurrence sont devenues absurdes »…

Il est surtout reproché à Margrethe Vestager (commissaire en charge de la politique de concurrence) et à ses services de ne pas avoir suffisamment tenu compte, dans leur appréciation, de l’émergence de concurrents mondiaux puissants (en l’occurrence surtout chinois) en face desquels l’entreprise qui serait née du projet Alstom-Siemens aurait pu opérer dans des conditions d’égale concurrence sur un même marché (level playing field), non seulement de produits, mais aussi géographique. Or le terrain de jeu est devenu mondial : la réglementation européenne de la concurrence qui avait été pensée pour assurer une égale concurrence à l’intérieur du marché européen (ou une partie de celui-ci) doit certainement désormais être repensée à l’aune de la mondialisation des échanges.
Nul doute que la Commission européenne le sait, comme elle sait qu’il est temps de protéger les intérêts de l’Union européenne : elle a d’ailleurs proposé en septembre 2017 un Règlement pour contrôler les investissements direct étrangers dans des secteurs stratégiques (dont le secteur ferroviaire). Ce texte est en cours d’adoption par le Parlement européen et le Conseil.

Quoi qu’on en pense, à l’approche des élections européennes du mois de mai, l’affaire Alstom-Siemens vient au bon moment car elle permet d’ouvrir publiquement une réflexion sur les réformes à mener pour que l’Europe reste présente dans la compétition mondiale.

D’autres réflexions et propositions pour l’Europe vont émerger : elles viendront des responsables politiques, des organisations et syndicats professionnels, et de différents autres cercles.

Elles viendront aussi des jeunes générations : c’est dans cet esprit que nous venons de lancer un nouveau site, celui né de la consultation citoyenne que nous avons menée auprès de nos étudiants il y a quelques mois (voir Banque-Notes Express du 11 octobre 2018).
Vous y trouverez déjà certaines de leurs contributions pour mieux apprendre l’Europe, améliorer son image, la rendre plus transparente, etc.

C’est l’Europe vue de l’amphi ! Y a-t-il meilleur point de vue ?
https://leuropevuedelamphi.eu

                                                                                       Blanche Sousi et son équipe