Vous avez dit « Résolution bancaire » ?
Oui, vous avez bien entendu. Le conférencier a parlé de « résolution bancaire » et outre le fait que la technique qu’il présente vous paraît très complexe (ce qui est indéniable), vous ne comprenez même pas le sens de l’expression qu’il utilise. Vous êtes perplexe : je l’ai été, moi aussi, lorsque j’ai entendu et lu pour la première fois cette étrange juxtaposition de mots.
Car, en français courant, une résolution c’est avant tout une décision. Or, manifestement, il ne s’agit pas de cela en l’espèce. Résolution, c’est aussi le fait de résoudre un problème : là, il ne fait aucun doute que le conférencier évoque la résolution d’une situation de crise dans laquelle se trouve une banque si elle rencontre des difficultés à poursuivre son activité et risque même d’être défaillante, c’est-à-dire de ne pas pouvoir faire face à ses propres échéances.
Vous venez de comprendre : « résolution bancaire » est un raccourci de langage pour désigner la « résolution de crises ou de défaillances bancaires ». Ce curieux raccourci est entré dans le jargon bruxellois et même dans les documents officiels, y compris français depuis la réforme bancaire de 2013: c’est dire que toute résistance serait vaine…
Ce premier obstacle franchi, celui de la compréhension des mots, on est confronté à la compréhension même du dispositif imaginé par le législateur européen. Certes, la matière est complexe, mais ce n’est pas une raison pour se résigner et ne pas savoir de quoi il s’agit, d’autant que tous les actionnaires, sociétaires, créanciers obligataires ou non et clients des banques européennes sont concernés, c’est-à-dire beaucoup d’entre nous….Tentons le décryptage.
Protocole de gestion ordonnée d’une défaillance bancaire
Pour résoudre la situation de crise ou de défaillance prévisible à court terme d’une banque, le législateur européen a procédé un peu comme en matière de santé publique.
Chacun sait que pour bien soigner une maladie, surtout lorsqu’elle est gravement contagieuse, il est important d’avoir mis au point à l’avance, le protocole à mettre en place si elle se déclare : « voilà ce qu’il conviendra de faire dans telle ou telle situation ». Il est également important de dépister le plus tôt possible, les premiers signes du mal et appliquer ce protocole aussitôt. Enfin, si le rétablissement n’est pas possible, des mesures plus radicales sont prévues pour éviter la propagation du mal au-delà du patient malade.
Il en est de même pour l’état de santé de nos banques : pour chacune, il faut imaginer les difficultés qu’elle pourrait rencontrer face à certaines circonstances (pertes exceptionnelles, contexte économique défavorable, etc.) et mettre au point, à l’avance, un plan de nature à redresser sa situation ; il faut aussi imaginer, pour le cas où son redressement serait impossible, un plan de résolution afin que ses déposants, en particulier ceux dont le total des dépôts est inférieur à 100 000 €, et l’ensemble des contribuables n’en subissent pas les conséquences.
Et c’est ainsi que le législateur européen a adopté une Directive (le 15 mai 2014) et un Règlement (le 15 juillet 2014) fixant en quelque sorte l’ensemble du protocole d’une gestion ordonnée de la défaillance d’une banque. Quel est-il ? En bref (que les initiés nous pardonnent l’extrême simplification qui va suivre) :
1 – Avant la défaillance
Pour chaque banque européenne, deux types de plan doivent être établis : un plan préventif de redressement qui est élaboré par les responsables de la banque concernée et un plan préventif de résolution qui est décidé par l’autorité de contrôle compétente.
Des tests doivent être menés régulièrement pour vérifier si ces plans restent toujours pertinents au fil des ans.
2 – Lors de la défaillance
Des remèdes parfois très radicaux sont possibles. Il s’agit d’éviter la contagion à l’ensemble du système bancaire, de protéger les avoirs des clients – en tout cas des déposants -, mais aussi d’éviter le plus possible que les Etats (donc les contribuables) supportent la charge d’un soutien à une banque défaillante.
Parmi ces remèdes, le remplacement des dirigeants de la banque, la cession de certaines de ses activités,…mais aussi le renflouement interne (bail in). Selon la logique du bail in, ce sont d’abord les actionnaires ou les sociétaires puis, selon un certain ordre, les divers créanciers qui vont subir les conséquences financières de la situation de la banque défaillante : il peut être, par exemple, décidé de déprécier le capital, de réduire ou d’annuler des titres de capital , de transformer des créances sur la banque en titres de capital…
En revanche, les dépôts garantis (par le fonds de garantie des dépôts existant dans l’Etat de la banque concernée) sont bien évidemment protégés, mais pas les dépôts au-delà du plafond garanti.
A noter que le bail in se distingue du renflouement externe (bail out), lequel consiste notamment à faire appel à des aides publiques, ce que précisément on veut désormais éviter. Le bail in est donc décidé en premier et s’il ne suffit pas, le bail out doit alors être envisagé.
Il faut souligner que toutes ces mesures sont décidées par les autorités de résolution et non par les organes de la banque en cause. La décision de résolution elle-même ne peut être contestée devant les tribunaux qui ne peuvent être saisis que d’une contestation sur le montant de la perte subie par les divers créanciers et bien sûr les actionnaires ou sociétaires.
Quelles sont les banques concernées par cette gestion ordonnée de leurs éventuelles défaillances ? Elles le sont toutes.
En effet, l’ensemble du dispositif prévu par les textes européens s’applique aux banques ayant leur siège dans l’un des 28 Etats membres de l’Union européenne (et également dans les 3 pays composant avec ces 28, l’Espace économique européen : l’Islande, le Liechtenstein et la Norvège).
Cependant un régime particulier est prévu pour les banques ayant leur siège dans les Etats qui participent à l’Union bancaire (zone euro + tout Etat qui le souhaite) : l’autorité de résolution n’est pas l’autorité nationale de l’Etat où elles ont leur siège, mais une nouvelle autorité européenne : le Conseil de résolution unique qui, avec le Fonds de résolution unique, s’inscrit dans le cadre du Mécanisme de résolution unique (MRU). On rappelle que le MRU constitue le 2ème volet de l’Union bancaire. Voir Banque-Notes Express L’Union bancaire, c’est quoi ?
On l’aura compris, « la résolution bancaire » est une réforme assez révolutionnaire – les droits des créanciers sont largement et a priori brutalement mis à mal par une autorité qui n’est pas judiciaire… – et d’une grande importance pour la sécurité du système bancaire et la protection des clients comme des contribuables. Préparée dès 2010 par la Commission européenne (et largement portée par le Commissaire Michel Barnier) en réponse à la crise financière de 2007-2008, cette réforme se met actuellement en place. Elle porte en elle de nombreux atouts pour enrayer les conséquences nocives de ce mal que constitue toujours la défaillance effective d’une banque, et pour sauvegarder ce bien collectif précieux qu’est la confiance de tous dans notre système bancaire européen.
Blanche Sousi et son équipe