Brexit (suite et fin ?)

Que prévoit, pour les services financiers, l’accord de retrait ?

Le Conseil européen dans sa formation article 50 (c'est-à-dire les 27 Chefs d’Etat et de gouvernement) a donc approuvé, ce dimanche 25 novembre, l’accord de retrait auquel étaient parvenus le 14 novembre les négociateurs de l’Union européenne (UE) et du Royaume-Uni (RU), c’est-à-dire respectivement Michel Barnier et Theresa May et leurs équipes.

Ce sont 585 pages de dispositions minutieuses, y compris trois protocoles (l’un sur l’Irlande et l’Irlande du Nord, le deuxième concernant les bases militaires du RU à Chypre et le troisième sur le statut de Gibraltar) et neuf annexes. Si vous les parcourez, vous chercherez en vain les dispositions concernant les services financiers… Vous les trouverez dans l’autre texte approuvé par le Conseil européen ce 25 novembre et prévu à l’article 184 de l’accord de retrait : il s’agit de la déclaration politique sur la relation future entre l’UE et le RU.

Alors qu’en est-il ? Dès le vote des britanniques en faveur du Brexit, le 23 juin 2016, la question du passeport financier avait été posée : les établissements agréés par le Royaume-Uni (y compris les nombreuses filiales de banques de pays tiers) pourraient-ils encore bénéficier de cet accès au marché unique ? Nous avions écrit ici même (Banque-Notes express du 27 juin 2016) que ce serait un coup porté aux banques européennes et à l’exigence d’une égale concurrence (level playing field), qui fonde depuis toujours la construction européenne. Pour la Commission européenne, cela ne faisait aucun doute. Et parmi les autres cas de figure possibles, le régime des équivalences déjà appliqué dans certaines conditions aux établissements des pays tiers semblait s’imposer : c’est ce que confirme, sans surprise, la déclaration politique sur la relation future (aux points 37, 38 et 39). On rappelle que selon ce régime, les établissements situés dans des pays tiers dont les réglementations sont jugées équivalentes à celles édictées par l’Union européenne, peuvent accéder au marché intérieur pour les activités relevant desdites réglementations.

Les britanniques redoutaient cette issue car les décisions d’équivalence sont à la main de la Commission européenne. C’est elle qui apprécie si les réglementations des pays tiers candidats à l’équivalence peuvent justifier une telle décision ; les pays tiers le savent bien qui attendent souvent longtemps pour en être bénéficiaires (voir tableau des Décisions d'équivalence au 29 oct.2018). Tous savent aussi que la Commission veille, au fil du temps, au respect continu desdites réglementations, sous peine de révoquer l’équivalence en cause. Or, s’il est probable que l’actuelle réglementation bancaire et financière britannique est équivalente à celle de l’UE, elle devra le rester : cela implique que si les réglementations européennes évoluent, elle devra évoluer dans le même sens et que si ces réglementations ne changent pas, elle ne pourra s’en éloigner.
Toujours est-il que selon la déclaration politique, le travail d’évaluation des équivalences doit commencer dès le Brexit effectif (le 30 mars 2019) et être achevé, dans la mesure du possible, en juin 2020.
Oui, mais tout cela si l’accord de retrait est validé par le Parlement européen (comme l’exige l’article 50 du traité sur l’Union européenne), ce qui ne posera sans doute pas de difficulté, mais aussi par le Parlement britannique (voir Banque-Notes Express du 31 janvier 2017 ), ce qui n’est pas acquis.
Le Parlement britannique doit se prononcer en décembre prochain. S’il rejette l’accord, et si donc le 30 mars on a un Brexit sans accord…quelles en seront les conséquences pour les établissements financiers britanniques ?

Juridiquement, ce serait la perte immédiate (?) de leur passeport, alors que si l’accord de retrait était validé, ils en bénéficieraient encore jusqu’au 31 décembre 2020 (en principe fin de la période transitoire prévue). Cependant, une solution moins abrupte serait peut-être négociée, d’autant que le régime des équivalences trouverait à s’appliquer comme pour tous les autres pays tiers.
La Commission européenne sera donc en toute hypothèse maîtresse du jeu ; mais qui sera, le moment venu, autour de la table ?  Le mandat de la présente Commission s’achève, on le sait, dans moins d’un an…Wait and see.

 

                                                                                                   Blanche Sousi et son équipe