Paiements instantanés en euros
Voici également en instantané, sans attendre
sa publication au JO, le Règlement européen qui les concerne
Blanche Sousi
Professeur émérite de l’Université Lyon 3
Chaire Jean Monnet ad personam de droit bancaire et monétaire européen
Dix secondes ! Tel est, selon le Communiqué Conseil du 26 février annonçant l’adoption du Règlement sur les paiements instantanés (ci-après le Règlement), le temps qu’il faudra « pour transférer de l’argent à tout moment de la journée », plus précisément 24 h sur 24 quel que soit le jour civil, et cela non seulement à l’intérieur d’un Etat de l’Union européenne (UE), mais aussi vers les autre Etats .
Dans cette logique de l’« e-médiateté », nous ne résistons pas à la tentation de donner sans tarder à nos lecteurs, qui ne l’auraient pas encore, le texte de ce Règlement avant même qu’il soit daté, numéroté, signé et publié au Journal officiel de l’UE. Le voici.
Il n’est pas dans notre intention d’en faire ici une analyse, mais seulement de livrer brièvement quelques remarques sur le pourquoi et le comment de ce Règlement.
1 - Le pourquoi
L’idée d’assurer dans l’UE une exécution instantanée des virements en euros n’est pas nouvelle : dès 2017, sous l’impulsion du Conseil européen des paiements (organisme réunissant des banques et autres prestataires des services de paiement), diverses initiatives ont été prises en ce sens mais, le plus souvent, dans un cadre national. Cela entrainait des disparités au sein de l’UE contraires au bon fonctionnement du marché intérieur. Il fallait que le législateur européen encourage l’essor et la généralisation, à l’échelle européenne, de ces dispositifs et procédures de nature à faciliter les paiements et donc les échanges économiques.
C’est ainsi que, le 26 octobre 2022 la Commission européenne présentait sa proposition de règlement sur les paiements instantanés. La procédure d’adoption au Parlement européen et au Conseil fut rapide : exactement 16 mois, preuve que la proposition était dans l’air du temps et que ses principales dispositions faisaient consensus.
- En effet, le Règlement s’appliquera :
. aux paiements par virements ou prélèvements en euros dans les 27 Etats de l’UE et les 3 pays de l’Espace économique européen EEE (Islande, Norvège, Lichtenstein) ;
. exécutés, sur ordre de leurs clients, par les établissements de crédit, les établissements de paiement ou les établissements de monnaie électronique ;
. quel que soit le canal utilisé par le client pour passer l’ordre de paiement : services de banque en ligne, application mobile, guichet automatique de banque, terminal en libre-service, agence bancaire, ou par téléphone ;
et moyennant des frais ne dépassant pas ceux facturés pour les types correspondants de virements non instantanés en euros (considérant 17 du Règlement).
2 - Le comment
Contrairement à la plupart des textes européens qui comprennent des centaines de pages et de très nombreux articles souvent hautement techniques, celui-ci est court : 61 pages et 6 articles clairement rédigés ! De quoi réjouir les nostalgiques qui, comme nous, ont en mémoire les premières directives bancaires, si vite lues, si vite comprises ; cependant les non-initiés seront certainement désorientés en lisant ces articles…Voici pourquoi .
Le Règlement est un texte modificatif : c’est-à-dire que toutes ses dispositions consistent à apporter des modifications (précisions, ajouts, mise à jour, etc.) à deux précédents règlements et à deux précédentes directives qu’il faudra donc lire en les conjuguant avec ces modifications.
Ainsi son article 1 modifie le Règlement du 14 mars 2012( le texte fondateur de l’espace unique de paiements en euros - SEPA) ; son article 2 modifie le règlement du 14 juillet 2021 (qui concerne les paiements transfrontières en euros) ; son article 3 modifie la directive du 25 novembre 2015 (qui concerne les services de paiement dans le marché intérieur) ; et son article 4 modifie la directive du 19 mai 1998 (qui concerne le caractère définitif des règlements dans les systèmes de paiement).
La Commission européenne a choisi cette méthode législative qui suppose un travail d’orfèvre, mais qui a le mérite de ne pas bouleverser l’existant, et donc de ne pas risquer d’ouvrir la boite de Pandore lors de l’examen du texte au Parlement européen et au Conseil. Sagesse !
Quant aux lecteurs qui seraient déroutés par cette méthode législative, ils trouveront plus tard, via la page Textes consolidés de Eur-Lex, les règlements et directives dans leur version consolidée (c’est-à-dire que les modifications y auront été intégrées). Pratique, non ?
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