Le Règlement européen MiCAR vient d’être adopté :
les NFTs sont-ils réglementés ? Non, mais…

Blanche Sousi
Professeur émérite de l’Université Lyon 3
Chaire Jean Monnet ad personam de droit bancaire et monétaire européen

Il y a peu, je répondais sans hésitation par l’affirmative à cette question : voir Banque-Notes Express du 14 juin 2021. Il suffisait de lire la Proposition de Règlement sur les marchés de crypto-actifs  (ci-après le Règlement ou MiCAR dans l’acronyme anglais) présentée le 24 septembre 2020 par la Commission européenne et transmise, pour adoption, au Parlement européen et au Conseil de l’Union européenne (UE). Oui, les NFTs (non fungible tokens ou jetons numériques non fongibles-JNF) feraient bientôt l’objet de la réglementation proposée par la Commission européenne dans MiCAR.
Voici pourquoi :
- D’abord, le Règlement serait juridiquement fondé sur l’article 114 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE) relatif au marché intérieur, avec pour objectifs, expressément affirmés : l’intégrité des marchés de crypto-actifs, une même réglementation et un même contrôle pour les prestataires européens fournissant dans l’UE des services sur crypto-actifs (autrement dénommés les prestataires de services sur actifs numériques, ou par leur acronyme "PSAN"), la sécurité juridique des consommateurs et la stabilité du système financier ; tout cela sans freiner l’innovation financière (voir « L’Union européenne, pionnière à l’ère du numérique : DSA, DMA, MiCA, DORA », Banque-Notes Express du 30 avril 2022.

- De plus en proposant ce texte, la Commission européenne affirmait sa volonté d’harmoniser le cadre juridique de tous les crypto-actifs (fongibles ou non fongibles) ne faisant pas encore l’objet d’une réglementation européenne existante, mis à part les textes relatifs à la lutte contre le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme (LBC-FT). Tous ces crypto-actifs, et eux seuls, relèveraient de ce futur Règlement.
Il s’agissait donc de « combler les trous de la raquette » :  il était grand temps de le faire avant que les Etats membres adoptent leur propre législation nationale sur telle ou telle question concernant les crypto-actifs, comme l’avaient déjà fait certains (dont la France en particulier), entrainant ainsi une fragmentation du marché contraire au concept même de marché intérieur.
Les NFTs ne faisant pas encore l’objet d’une réglementation européenne, la logique et la nécessité imposaient de les inclure dans le champ d’application de MiCAR.

- En revanche, pour ne pas imposer de trop lourdes contraintes aux émetteurs de NFTs (telles celles imposées aux émetteurs d’autres crypto-actifs comme le Bitcoin, l’Ether, etc.), un régime allégé leur serait réservé lors d’une offre au public ou d’une admission à la négociation sur une plate-forme.

Bref, un texte équilibré pour les NFTs dont la destinée semblait assurée : une régulation européenne (condition d’une confiance des émetteurs et des acquéreurs) allait accompagner leur développement économique exponentiel constaté chaque jour notamment dans le domaine de l’art.

Qu’allaient faire de cette perspective, les colégislateurs (le Parlement européen et le Conseil de l’UE) appelés à examiner le texte, voire l’amender, avant de l’adopter ? Allaient-ils suivre la Commission européenne et donc inclure les NFTs dans le champ d’application du Règlement ?

Lire la suite